Je vais vous raconter un peu de ma vie, cette fois, ça fait longtemps. Mais vous savez aussi que j’essaie de vous raconter des choses inspirantes, la plupart du temps en lien avec l’autisme (je ne vais pas me changer en NT demain…  — je pense, en disant cela, à la question d’un reporter sur une pièce de théâtre qui demande à un acteur autiste si son « autisme disparaît quand il est sur scène »… au cas où l’autisme pouvait faire sa valoche et prendre des vacances, aller se faire voir chez Plumeau de temps en temps pour nous lâcher un peu la grappe… — ). Je n’ai pas été en chômage « Long » depuis 5 ans, et m’y voilà donc, mis bout à bout depuis 1 mois et trois semaines et ça devrait soi-disant  me déprimer ou me décourager parce ma situation devient périlleuse… mais… J’ai écrit récemment un article sur comment se passent les relations entre autistes… Il est temps d’en faire un sur les personnes neurotypiques inspirantes car il y en a, parce que je ne me lasse toujours pas de parler d’inclusion, et que je connais des personnes très inclusives en ce sens…

 

Comme je l’ai précisé sur ma page facebook il n’y aura somme toute que deux ou trois articles sur ce blog cet été, mais pas des moindres, parce qu’un peu sur le mode des « Saga » d’été qu’on trouve dans les magasines pour s’occuper en bord de plage, je vous ai fait un post très très long, et plutôt vitaminé… Du même ordre qu’un roman plus ou moins autobiographique… mais avec un objectif supplémentaire qu’il soit surtout voué à vous faire du bien et à vous sentir heureux à l’issue.

 

NOTA : Comme c’est très long, et que ni vous ni moi ne souhaitez perdre le fil dans la mesure où il y a de fortes chances que vous ne le lisiez qu’en plusieurs fois, je vous ai mis des repères visuels couleurs Arc-En-Ciel et plein de Gifs dans les paragraphes pour vous y retrouver,, arrêter, reprendre plus facilement si vous êtes sur tablette ou gsm…

J’ai vu du pays en quinze jours, en sortant pourtant si peu de chez moi. Et je commençais tout juste à déplorer la vacuité de mon état de sans emploi (j’ai eu mon 1er rendez-vous  à l’Agence Nationale la semaine dernière, et j’ai une réunion collective d’information sur le travail handicapé Cap Emploi dans une dizaine de jours), que finalement, me revoilà fraîchement à reprendre du poil de la bête grâce à quelques échanges d’une simplicité basique.

Donc il y a quinze jours, l’on me propose un emploi dans un secteur que je connais trop  bien et que je souhaiterais justement quitter au profit de retrouver le secteur culturel (où j’ai fait  mes premières armes dans la Jungle de l’emploi et dont je suis diplômée) ou en lien avec le numérique, vues mes formations en cours et mon projet de reconversion (je teste actuellement certains outils numériques spécial autistes pour en faire une revue complète, plus tard, j’espère à la rentrée…), mais voilà : mes dernières expériences sont dans cet autre secteur, et il est logique que des cabinets de recrutement m’appellent pour des postes aux salaires alléchants car voilà dix ans que je pratique et de manière ultra polyvalente, je ne peux pas non plus faire la difficile, mon côté hyper actif fait que j’ai besoin d’avoir une activité qui me serve de leitmotiv’, si c’est rémunéré, évidemment, c’est mieux, parce que de mon chômage, je ne vis pas, autrement dit encore un mois comme ça, et je ne saurai plus comment payer mon loyer de louve solitaire. Il s’agissait d’un remplacement, la personne reste en poste, mais travaillera à distance alors qu’il est primordial d’assurer une présence sur place. Je tombe sur une femme extrêmement stressée (je me reconnais un peu en elle, dans certains épisodes passés de ma vie de salariée trop dévouée, mais je crois aussi qu’elle a peu de point de comparaison vis à vis d’autres entreprises, et d’où je sors à sa place il me faudrait trois montagnes à soulever de plus pour être autant dans tous mes mes états), pour citer une de ces personnes des cabinets de recrutements après étude de mon CV :

 

« En même temps après votre dernier emploi, n’importe quel job dit « pénible »  aujourd’hui pour vous c’est des vacances, non? »

Ils me cernent plutôt bien (j’ai travaillé deux ans dans un secteur de niche très particulier, et je ne peux de fait pas l’évoquer ici, mais si on parle d’enchainer des semaines à 50h sans rémun’ d’heures supp’ ou d’être au  bureau le matin à 7h30 sans partir plus tôt pour autant, on va dire que je suis capable de soulever quelques menhirs sans ciller durant de longue périodes en tenant le rythme du speedy Gonzalez de la rédac’ et autres résolutions de problèmes urgents à flux tendu. La réponse devait être « ASAP » pour une prise de poste ASAP, parce que quelqu’un avait déjà été embauché entre temps, et c’était là l’objet de ces entretiens, la remplacer, mais seulement à l’issue de sa période d’essai. Donc finalement j’avais des informations contradictoires. Et on ne doit pas avoir la même notion du « ASAP » car au lieu d’une réponse la semaine suivante, sur l’air de « VOUS ÊTES LA PERSONNE LA MIEUX POSITIONNÉE POUR CE POSTE VOILÀ POURQUOI ON FAIT APPEL À VOUS »... Je n’eu de réponse (négative) que deux semaines plus tard.

 

Malgré un entretien réussi haut la main (de 3h sans proposition de café ou juste me montrer où sont les toilettes, pas grave, j’ai une vessie de concours mais bon, quand même, quand on prévoit un entretien de trois heures, c’est bien de le préciser avant, ça permet de prévoir un seau ou une poche, par exemple, peu importe…) et des tests passés plus qu’haut la main, que je dois remettre en question quand même, parce que j’ai eu l’audace de trop les réussir, jusqu’à modifier des tournures complètement inusitées en mauvais anglais là où j’excelle et cette titulaire pas vraiment… et pas mieux sur la modernité des outils et des techniques utilisées. Bref, j’ai peut-être encore effrayé le N1 en montrant trop vite mes capacités à faire son job s’il m’était donné le lendemain… Dommage, adieu salaire, reprise d’activité et enchaînement de ma formation parallèle en reconversion. Parce que oui, tu vois même à flux tendu, je peux animer ce blog, travailler mes 42h semaine et +, et même me former en ligne en même temps en obtenant des notes au dessus de la moyenne, voilà pourquoi je tiens tant à reprendre le niveau que j’ai laissé en suspend trop longtemps à l’unique profit de la seule survie et de toujours accepter le minimum ou l’inacceptable alors que je prends à peine conscience que  #JeVauxMieuxqueÇa et que je le prouve tous les jours…

Mais voilà… J’avais totalement oublié comment se passe la vie sans contrainte de travail, tout ce qu’on peut mette à jour et en place et tout le stress qu’on a pas chaque fois qu’on doit planifier une sortie.

MON AMIE D’ENFANCE

Alors dans l’ordre, j’ai vu mon amie d’enfance. On arrive rarement à se voir plus d’une à deux fois par an depuis qu’on est à Paris. Nous avons grandi dans le même immeuble de la même autre grande ville d’origine, où nos parents vivent encore, et éventuellement, nous arrivons parfois à nous voir aussi là bas, quand j’y suis. Elle est enseignante et elle a de fait la possibilité de s’y rendre plus souvent. Je n’ai aucune nostalgie, moi, de Lyon, de la vie que j’y ai eu. J’y vais aux fêtes voir mes parents, et si je n’ai pas de meilleur projet, quelques jours au printemps voir mon pneumo-allergologue qu’il me file ma « Combinaison chimique anti-histaminique annuelle » et me reprocher un peu de ne pas arriver à cesser de fumer plus de 5 mois par an. Et mon filleul avec qui je chante et fait écouter Anne Sylvestre par skype qui aujourd’hui même, vient d’avoir 3 ans. Sans entrer dans les détails, et comme je ne veux sortir personne de son anonymat, mon amie à ses soucis personnels, qui sont un peu lourd, et j’ai souvent peur pour elle, et sa vie qui est une lutte fait que qu’on a pas le même rapport à la temporalité. Déjà elle a du temps libre en semaine, et moi jamais… quand je travaille.

Elle ne peut pas se permettre de sortir le soir, ni le moindre excès en règle générale, donc nous planifions des spectacles qui se terminent à une heure raisonnable, ou des « raviolis-asiatiques-tests » dans les restaurants de Belleville (c’est à dire qu’on ne commande quasiment QUE des raviolis chinois fourrés de plein de choses différentes, mais toujours végétariennes… et qu’on en commande jusqu’à ce qu’on ait la panse plus tendue qu’ après un demi fromage à raclette chacune… malgré qu’on pèse bien moins 100kg à nous deux)… Donc généralement, on tient une bonne moyenne de 20 à 25 raviolis chacune (parfois avec une entrée en plus), pendant ces sessions. Donc oui, on peut rester 3h à commander par assiettes de 5, de 10, reprendre ceux qu’ont a aimé. Bref, si vous cherchez une bonne adresse de raviolis à Paris Belleville, demandez nous. On a fait TOUS les restaus qui ont des  raviolis à la carte du haut de  la rue de Belleville à Colonel Fabien… Un peu rassasiées de cette période quand même, au moins jusqu’à ‘hiver prochain, elle me propose d’aller faire un tour à la Braderie Arcat.

 

Mon amie d’enfance est Docteur ès en Fashionologie. De tout temps. C’est de famille. Toute sa famille a une science de l’optimisation à base de textile absolument ahurissante et ce sont des pointures sur les marques. Aucun nom de marque ne leur échappe. Nous avons grandi toutes les deux aussi en face d’un centre commercial, et avant même d’être adolescentes, comme j’étais époustouflée de la liberté que ses parents octroyaient à ma copine, par rapport aux miens, la suivre partout quand elle me proposait une sortie était toujours enrichissant. Donc je savais toujours un an en avance ce qui serait à la mode dans un an, parce qu’elle lisait tous les magasines, regardait les défilés, s’intéressait déjà aux mannequins, aux couturiers et aux défilés quand elle était préado et moi pas encore au collège (on a 3 ans de différence), et je me retrouvais régulièrement avec elle dans les fripes (quand elle eut sa période 70’s accro à Led Zeppelin… après sa période Guns and Roses… avant sa période Suede… alors que j’étais relativement bloquée sur le rock alternatif et le punk anglais début fin 70, les vagues grunge etc. me passant largement au dessus de la tête), où je ne comprenais pas bien un tel engouement, mais peu importe, c’est elle qui m’a appris à fouiller dans les rayons textiles et m’a certainement donné quelques leçon de goûts et de bons assemblages en route. Du coup, cette aventure de braderie de luxe à des prix défiants totalement la concurrence, m’a ramenée loin en arrière, dans la routine de mon amie (et heureusement que j’ai quelques amies comme ça que j’aime accompagner — en réalité on ne sait qui accompagne qui — c’est vraiment compliqué pour moi, ces bains de foules, en particulier dans les magasins de « Tout pour les  schneks ». 

 

Déjà, la surstimulation de la lumière et des bruits, c’est dur à surmonter, mais si en plus ça sent à la fois les pieds, les aisselles et l’excès de déodorants et un tas d’odeurs moins prégnantes en plus pour assaisonner tout ça, ma capacité à supporter le shopping se réduit très vite à mesure que ma nervosité et ma fatigabilité augmentent crescendo, surtout dans des grandes surfaces fermées sur l’extérieur. Pourtant ce sont des défis, de faire ça, circuler entre les gens « Pardon, pardon, pardon », attendre que ceux qui s’imaginent être seuls au monde terminent de vous barrer le passage. Bref. Mais avec elle, c’est facile, parce que je l’observe et j’observe les autres même si je ne comprends toujours pas dans quelle sorte d’animosité les gens se mettent pour acheter des trucs, alors surtout les vêtements pour la qualité déplorable et le prix de ce qu’on achète par rapport à avant la mondialisation (simple constat), moi ça me laisse perplexe. Voilà bien 15 ans que je fais tous mes achats textile sur le net en évitant toutes ces contraintes sensorielles, et que je ne manque de rien, alors l’intérêt d’avoir des montagnes de fringues non durables chez soi (à part pour qu’un appart’ brûle plus vite en cas d’incendie?) me laisse perplexe, voir dubitative. Mais j’aime voir mon amie trifouiller dans les rayons, les étagères, les portants et dénicher des PERLES, parce que chez elle, c’est comme un art. Et ça n’a pas loupé, ma fourmi méticuleuse, en fin de journée (j’avais donc un entretien en début d’après midi) pour me faire état de son bilan dont j’étais curieuse, me rapportait qu’elle avait trouvé la seule veste de marque Iro (comptez un minimum de 500€ pour une simple veste en cuir) de la braderie alors que pour une 1ère journée d’ouverture pour une bouchée de pain, on déplorait dès le début de ne voir qu’un échantillon de moins de 10 marques sur les vêtements et pareil pour les chaussures. J’étais partie sereine avec un budget fixe, et l’intention de ressortir au moins avec une veste de « présentation » pour les entretiens d’embauche, m’étant largement fait flinguer ma Ralph Lauren de tous les jours de mi saison par un autre ami récemment alors que j’avais déjà bien entamé le travail (au passage, c’était une des sous marque et n’y allez pas, même soldés la qualité est douteuse, le pays de fabrication pour le prix d’origine je ne vais même pas l’évoquer, mais disons qu’en terme de paraître le résultat sur moi est toujours ahurissant, j’ai ce truc vestimentaire, un seul vêtement me va à la perfection et j’ai l’air d’habiter sur la Place Vendôme). Évidemment je n’aime pas trop avoir une présentation remarquable donc mes tenues sont toujours de savantes combines d’assemblages textiles entre élégance, confort, et …  une petite pincée d’air faussement négligé, ne croyez même pas que c’est travaillé, je ne peux me rendre nulle pas si je ne suis pas au minimum à l’aise, je n’aime pas avoir l’air trop sérieuse non plus, ça vous donnera une idée de ma féminité. Pour que je mette une robe pour me rendre à un rendez-vous, je dois vraiment avoir envie physiquement (oui oui, on parle de sexe, là) de la personne pour qui je vais la mettre, encore que j’ai rarement besoin d’en arriver, par ailleurs, (que ça ne vous fasse pourtant pas oublier à ces messieurs la notion de consentement). Pour l’image que j’ai de moi, je me trouve relativement pas trop mal, donc je m’en fiche un peu. Pire, si de toute façon je m’amusais à m’apprêter comme je peux le faire pour une soirée corporate ou formelle où c’est attendu, au mieux j’énerve juste toutes les meufs complexées (constat encore). Que ça paraisse snob, prétentieux ou sûr de soi, je m’en fiche autant que du reste, la réalité c’est qu’on peut être foutu comme on l’est, tu as toujours quelqu’un pour t’emmerder si c’est trop ou pas assez, pour te juger, pour te faire une misère de ton apparence, donc en résumé, je fais surtout en sorte de ne pas trop me faire remarquer, et j’ai fait un énorme progrès, puisqu’un d’un passé un peu punk, et bien que je n’ai jamais réellement investi dans des panoplies codées et cloutées, au moins je ne m’habille plus pour le plaisir de déplaire… Toutefois, je déplore que si je ne peux même pas être bonne et bien sapée en étant autiste, c’est quand même ces regards de reproches des complexes des autres qui ne me mettent pas très spures de moi à faire plus d’efforts pour m’habiller, parce que j’ai autant de mal avec les regards d’envie, et toutes ces réflexions de « Avec ce corps tu peux mettre ce que tu veux, toi » sur le ton du reproche. Je ne peux pas m’excuser pour mon corps, et d’une manière générale, il serait vraiment bon que les gens, les femmes en particulier, cessent de devoir en avoir honte quel qu’il soit, et de même que je ne peux m’excuser d’en avoir un relativement peu contraignant, je ne me sens pas une victime ici, quand je sais tout ce que la femme est sans cesse blâmée et culpabilisée à cause du simple REGARD, du patriarcat et des médias complices de pas juste pouvoir se saper et déambuler comme on veut. Je ne veux pas être une femme qui porte des couleurs neutres et des vêtements aux formes classiques, c’est tout. Ni fashion, ni rigide, je ne ressemble qu’à moi, et c’est sûrement ce qui me va le mieux, pour en revenir à notre conversation chiffons. (mais si vous avez un petit bon d’achat de 10 000€ pour une boutique Burberry’s ou Marc Jacobs, vous pouvez toujours me l’envoyer, je me ferais un plaisir de devenir subitement super chic même si à ce prix on ne repart pas non plus avec plus de 3 vêtements, c’est ma maman qui sera contente de me voir comme ça).

 

Toujours est-il que dans leur engouement, au bout de 2h de farfouillage, plusieurs sessions de tris, essayages (on essaie avec mon amie, il n’y avait pas de cabine donc on essaie par dessus ce qu’on a de manière assez discrète et on se prend en photo pour se montrer)… Les femmes commencèrent à se mettre nues. Pour quelques t-shirt à 5€ au lieu de 50 et autres vestes à 30 au lieu de 160, j’ai vu des femmes en sous-vêtements, et pas les plus frais en cas de prise en charge urgente à l’hôpital ou de visite chez le médecin, non… Et du soutingue défraichi qui flfblblblotte et de la tullotte qui gonfle ses joues de mérou vides en dessous de la fesse parce que les élastiques ne tiennent plus. Sérieux j’en ai rien à fiche que les gens se foutent à poil alors que s’il n’y a pas de cabine c’est sans doute exprès et que vu les prix il n’y a pas de gros risque à la faute de goût ou de coupe, mais des fois je me demande jusqu’où l’instinct grégaire pousse les gens à perdre toute pudeur pour du textile, alors que dans n’importe quelle autre situation sociale les mêmes auraient juste peur qu’un seul centimètre carré de couille ou de chatte dépasse.

 

 

Mais je ne suis personne pour juger, une nouvelle fois, disons juste que l’effet de surprise en a ajouté à mes sens qui à la 3ème heure commençaient à prendre feu à l’intérieur, après tout ce piétinage, tout cet enfermement etc. Mais mon amie sait que je suis aspie. Et je sais aussi qu’il y a certains gestes de la vie courante qu’elle peut parfois avoir du mal à faire ou qui lui demandent plus de temps qu’à une personne normale. Et si j’ai amené les chouquettes le matin, pour l’attente de l’ouverture 40 minutes quand même, pendant qu’elle allait nous chercher des  cafés et que je gardais notre place dans la file… Sans se poser de question, de manière totalement naturelle, il en va de même pour ce qu’elle a du mal à faire que je l’aide un peu ou me mette à son rythme, parce qu’à vrai dire elle n’aime pas trop qu’on l’aide, elle lutte seule, et je sais qu’elle n’est pas confortable avec ses faiblesses qu’elle ne veut pas montrer, mais voilà, je sais de quoi c’est fait, et je ne la juge pas, et elle sait aussi que je crains quand même un peu ces mouvements de foule, et pile à l’heure que j’ai le temps de rentrer manger chez moi sortir le chien, et me préparer pour mon entretien, elle m’a accompagné et patienté avec moi la longue queue avant les caisses à la sortie. Et il ne fut pas question que je lui demande de me raccompagner que j’évoque l’angoisse de toute cette surpopulation hirsute à l’idée de dépenser son argent en « bonnes affaires textiles » comme s’ils avaient l’air d’en manquer le reste du temps. C’est juste ainsi que ça se passe. Je sais de quoi c’est fait, elle sait de quoi c’est fait, et il est naturel pour elle de m’accompagner comme ça l’est pour moi quand je peux faire quelque chose pour qu’elle soit à l’aise. Pas de question. Pas de jugement. Uniquement de la Bienveillance inconditionnelle. Et de toute façon si l’une d’entre nous à quelque chose à dire qui lui pèse, nous nous connaissons suffisamment pour nous les dire simplement et être à l’écoute quand on sent que c’est l’autre qui a besoin de se confier. Nous n’avons aucune origine ethnique, religieuse, sociale en commun et sommes diablement différentes. Pourtant cette amitié dure depuis, et bien cette année même, ça fera 30 ans. Il y a eu un « split » de 10 ans comme elle a dit, comme si nous avions été Slash et Axl Rose pendant les 20 autres qui soudent cette amitié, c’est juste que nous avons pris des routes différentes après nos études, et quand par hasard nous nous sommes retrouvées dans la même maison des examens pour passer le même concours de professeur des collèges (moi pour test de compétences et elle par vocation… au passage que j’ai donc été reçue à l’oral mais que je n’ai pas donné suite… n’envisageant donc pas d’être prof) à nous dire « à dans 8 heures » avant l’épreuve technique, comme si de rien était, comme si nous nous étions quittées la veille, pour se retrouver comme si cette faille temporelle n’avait jamais existé et ne revenir que sur les bons souvenirs de toutes nos bêtises d’enfants, d’ados, puis de jeunes filles dont nos parents diront respectivement « On ne sait pas qui entraîne l’autre à faire des conneries » sans jamais nous en empêcher pour autant, j’ai donc cette amie neurotypique, et brillante au demeurant, avec qui la question de l’inclusion, du respect des spécificités de l’autre et même post diagnostic, ne s’est jamais posé. Les seules réflexions qu’elle m’ait fait au sujet de mon autisme et de mes réactions qu’elle avait connectées par elle-même avec ce qu’elle sait de ma personnalité de fond… étaient vraies… et le fait qu’elle les pointe et me donne l’avis distancié dont nous manquons si facilement m’ont juste permis d’appréhender certains critères que je ne sais pas forcément verbaliser, et à nouveau, sans jugement, comme si on allait encore franchir une étape de plus dans la compréhension l’une de l’autre 30 ans plus tard, ce qui fut le cas.

 

C’est frivole, enfin je trouve que ça l’est, mais sortie de cette matinée, j’ai gagné mille points de confiance avec trois bouts de tissus, j’allais déjà très bien, mais je n’aurais pas cru qu’acheter quelques vêtements de grandes marque à des tarifs aussi ridiculement petits me mettraient dans un tel engouement ou me tiendraient aussi chaud au cœur d’avoir passé cette matinée avec mon amie. Déjà ils étaient super bien pliés et repassés, et je ne sais pas avec quoi ils nous ont lavé ça avant de les mettre en rayon (ce sont des destockages invendus de créateurs et parfois des prototype avortés ou des séries qui n’ont pas passé le crash test, il faut être vigilant à ça aussi, dont le profit va à la recherche contre le VIH), mais moi  qui d’habitude m’empresse de passer à la machine n’importe quel vêtement sorti d’usine pour le débarrasser de son odeur de kérozène insupportable, là ça sentait l’assouplissant ou que sais-je, j’ai pu porter cette écharpe 3 jours et ce pull élégant 3 jours aussi, en veillant bien à ne pas le laisser traîner n’importe où chez moi et uniquement quand j’allais de sortie et garder cette odeur de toute puissance du MiniDoux et le souvenir de cette matinée où j’avais réussi à supporter ce qui habituellement m’est insupportable… Et penser que sans cette amie, je ne ferais pas ces choses là, et je ne me sentirais pas aussi autonomisée, de fait comment les gens vous portent à vous dépasser avec un tout petit peu de bienveillance. J’ai dépensé un tiers de moins que mon budget prévisionnel initial (qui était de 100€, donc voilà, rien de fou, je ne maîtrise la sape que si c’est sur internet parce qu’on peut renvoyer ce qui ne va pas gratuitement quand ça ne va pas, en magasin je me méfie, parce que je sais que retourner une déception n’est pas dans mes capacités physiques et morales additionnelles après avoir déjà pris sur moi de faire un magasin seule et le malaise que ça me génère, par que sensoriellement mais en terme de phobie sociale et de déficit d’interactions adéquates), je suis sortie avec la veste de présentation escomptée, un t-shirt de bourge, on va dire ça, une chemise brodée de bourge, (comprenez bien que j’ai pas de problème avec l’argent, mais plutôt avec sa répartition et l’usage social qui en est parfois fait), aussi, et une écharpe bien chaude et jolie (mais c’est mon côté collectionneuse de foulards et autres tours de cou qui a été rappelé à l’ordre) juste pour l’ornementation, et j’étais juste ravie. Mais ça n’était pas encore tout, parce que le lendemain, j’avais une autre visite tout aussi charmante, de quelqu’un que je ne pensais plus revoir un jour et que la vie m’a servie comme un cadeau.

 

MPS

Quand t’avais pas prévu de te prendre une telle lumière dans les yeux… Et que la luminosité de certains est éblouissante (dans le meilleur sens du terme).

Je vais conserver le mystère et ne pas en dire trop, encore une fois, je préserve toutes « mes personnes » comme une laie ses marcassins, vous auriez du mal à les identifier, même si vous me connaissez bien. Cette fois je vais parler d’une personne, que j’ai longtemps appelé dans ma tête, et quasiment dès sa rencontre, « Mon petit Soleil ». Donc j’ai connu MPS il y a quelques années, de manière totalement fortuite, par un biais de circonstances hasardeuses pour ne pas dire incongrues. Le fait d’être sans arrêt en lutte pour ma situation de survie depuis ces dix années à Paris, fait que parfois les dites circonstances m’amènent où je ne rêve pas trop de me trouver, encore que je me suis diablement améliorée pour que ça se produise de moins en moins. C’était donc dans un lieu où cohabitaient à la fois une ambiance d’adversité… et en réponse, une grande solidarité, ce qui n’est pas toujours une constante de ce type de situation. Les gens y évoluaient au gré de leurs aspirations individuelles, œuvrant seul.e.s ou en équipe pour leurs objectifs personnels à court, moyen ou long terme. Je ne savais même pas combien de temps j’allais devoir rester là, du reste je ne m’en posais même pas trop la question. Pire, pendant des semaines, je ne savais même pas ce qu’on attendait de moi ici, et l’objectif de ma mission, et me contentait donc de faire ce qu’on me demandait au mieux et de soulager (et réciproquement) ceux qui étaient dans la même situation. Tout ça se produit dans un bâtiment à beaucoup d’étages où il faut naviguer beaucoup d’une pièce à l’autre… Moi et mes pertes de repères, passées les 5 premières semaines… ou 6… ou 7, une fois que le sens de l’orientation m’a vaguement été acquis, j’ai commencé à trouver ça ludique d’y circuler, comme un jeu de labyrinthe avec des personnes comme repères (seule ça m’aurait rendue dingue) et à faire des petits jeux (discrètement) à base de petits papiers et d’autres aménagements de cachettes secrètes au sus et la vue de personne… Bref, j’ai organisé ma cyste, aussi pour m’aider à l’ennui et ne plus céder à la panique quand je n’étais pas certaine de retrouver mon chemin, et je me suis souvent trompé d’étages, et j’ai souvent frappé à la mauvaise porte tout au long de ce séjour. Ai-je déjà dit que je ne m’ennuie jamais?

 

Toujours est-il qu’initialement MPS et moi ne faisions pas du tout partie du même groupe d’habitués des lieux et n’avions à la base AUCUNE raison d’échanger plus que les politesses de rigueur. D’autre part, je suis globalement assez respectueuse des hiérarchies et autres conditions sociales en règle générale, donc vraiment pas du genre à traverser une frontière même imaginaire en faisant des doigts d’honneur à leurs surveillants. Nous étions rangés par box variables de trois à quatre personnes, et vous savez ce qu’on dit : on ne mélange pas les torchons et les serviettes (je faisais partie des serviettes).

 

À l’époque j’entamais à peine mes premiers diagnostics et dieu sait qu’il fallait ruser d’excuses pour me rendre à une convocation des autorités du CHU diagnostiqueur pseudo professionnel, mais quoiqu’il en soit, j’expérimentais un nouveau mode de vie. Rien que ça.

 

Après avoir passé des années dans l’ombre de moi-même, pour ne pas dire à côté de mes chaussures, à avoir sans cesse l’impression de devoir m’excuser d’exister, de toujours me faire violence dans des situations sociales dont je n’avais aucune maîtrise, à jouer la femme caméléon, le caniche de service et la personne normée sans le moindre succès, (quelque part : heureusement que ça n’a pas marché, sans ça je ne serais peut-être toujours pas diagnostiquée), ce qui avec le recul est d’une violence inouïe quand on apprend plus tard qu’on est autiste, je décidais donc, de ne plus m’imposer ce que je ne supportais pas. Et donc en quelque sorte de commencer enfin à m’adapter à mes difficultés à moi avant toute autre contrainte. Ça faisait suite à un constat. Dans le cadre d’un diagnostic d’autisme à l’âge adulte sans D.I, on est vite amené, dans l’errance, à remettre en cause beaucoup d’aspects de sa propre vie, c’est une introspection semi-volontaire, parce que par la force des choses, ça nécessite quand même de se repasser le film de sa vie de manière indécente et constante à certaines personnes, au point d’un envahissement certain et autrement handicapant, comme si vous aviez un pistolet armé en permanence sur votre tempe et que dans vos actions de la vie quotidienne et des faux pas commis, appuyer sur la gâchette ou ne pas le faire devient cornélien à chaque action, je m’avais dans le viseur pour tenter de me comprendre, et de faire d’établir des corrélations comportementales avec les signes cliniques décrit dans l’autisme et ça permet en conséquence de dresser un tableau assez pratique, aussi, en attente de diag, de ce qui est gérable au quotidien et de ce qui ne l’est absolument pas et qu’on a bêtement laissé sur le bas côté de la route toutes ces années en faisant toujours mille concessions, en se reniant sans cesse soi-même sur des façons de faire qui nous paraissaient jusque là élémentaire et naturelle… pour seoir au regard des autres et tenter de se faire accepter… au détriment de ce qui nous définit fondamentalement et de manière quasiment inaliénable. À la suite de quoi, en remettant sans cesse en question l’hypothèse que je puisse être autiste ou non, parce que ça fait beaucoup douter, quand même, une bête question est venue me spamer au milieu d’un acte ou d’une banalité d’ordre totalement courant et routinier à savoir :

 

« En supposant que je sois d’origine Vulcaine… (ou autistanaise, dirait Josef. S.), est-ce que je peux constater que les neurotypiques se cassent autant que moi à respecter tout le temps les autres et les conventions sociales pour ne vexer personne en permanence autant que je le fais, même quand c’est une épine dans le cul  format Plaie d’Égypte » (je pense aux banalités de type « Salut ça va », faire le tour des bureaux pour signaler sa présence, parler météo, manger à des tables de + de 4 personnes aux pauses déjeuner sociales, ce genre de choses pour lesquelles je n’ai aucune compétence de fond, et plutôt une espèce de rejet insurmontable à l’état naturel, malgré toutes les recommandations de politesse dont j’ai été bassinée toute mon enfance, j’aurais pu écrire 4 fois le livre de la Rothschild sur les bonnes manières, pour te donner une idée, tellement côté mère, j’ai une éducation conservatrice de l’ordre de la royauté britannique, sauf que dès que je mets un pied dans une orga, une fête : faire le TOUR pour dire BONJOUR, me coupe tous mes moyens et devient vite une violence si je ne peux pas y échapper, vous ne pouvez accuser ni l’éducation, ni le « manque de faire un effort » une nouvelle fois, je suis loin d’être un cas unique, soyons clairs : on est des trous de pine en conventions sociales, trop poli, pas assez, aller vers les autres est naturellement bloquant, mais pas de juste milieu, parce que tout simplement, les implicites pour se positionner dans un groupe quand c’est naturel chez les NT sont pour nous de se mettre subitement à parler Japonais pour qui ne maîtrise pas la langue, en dehors de nos Intérêts Restreints, nous sommes  un peu Otakus.

 

La réponse étaient forcément non, et maintenant que je me sais légitime de ne pas supporter toutes ces règles élémentairs socialement normées que les gens font et dans lesquelles je suis pas venue au monde sans option, j’ai commencé à me dire que je pouvais m’épargner tout ce qui n’était plus indispensable à ma survie. Alors j’ai commencé une période de vie un peu plus légère. Alors j’ai cessé de m’engoncer dans des costumes de travail qui ne me représentent pas et dans lesquels je me sentais juste merdique et mal dans ma peau en apparence depuis la nuit des temps, pour me conformer aux autres et aux normes attendues en entreprise même si je paraissais décalée vestimentairement, ce qui passe pour original dans les rues bobos de Paris, peut passer pour du foutage de gueule en entreprise. TANT PIS.

 

Alors j’ai cessé de faire le canard, de forcer le sourire aux uns et aux autres, quand cette fonction circonstanciée ne me paraissait pas impérative, je ne sais pas sourire si ce n’est pas drôle ou plaisant, d’autres si… et le peu que j’ai souri, je devenais plus spontanée… à des choses plus drôles, dont peut-être on est pas tenu de sourire en entreprise mais qui sont parfois tellement plus libératrices. Alors j’ai arrêté de m’imposer des trajets plus longs que je ne peux supporter pour aller gagner mon pain, disons que ceux là furent les dernier et que je peux le confirmer 4 ans plus tard, des sorties avec des personnes ou encore une fois j’ai plus de chances de me sentir mal à l’aise que comme un poisson social neurotypique dans l’eau, quand ça me faisait à moi l’effet d’être un pauvre oiseau plein de mazout englué malgré lui dans un environnement qui a tout d’hostile par rapport au traitement sensoriel différent qu’en fait mon cerveau… Et voilà comment j’ai commencé un peu à respirer à 34 ans, dans ma petite vie insignifiante d’extraterrestre déroutante qui s’assume enfin un peu. Ce qu’on fait de bon pour soi dans le respect des autres, mais avec de nouvelles projections positives d’améliorer son style de vie, constat encore, amène toujours des choses encore meilleures auxquelles on ne s’attend pas forcément. Et c’est dans ce contexte que MPS intriguait mes nouvelles résolutions, malgré lui.

Je l’ai trouvé tellement distancié, imperturbable, un peu supérieur, et en même temps sa position l’était par rapport à moi dans le contexte, que j’ai cru à une plaisanterie humaine sous forme de prétention sans affect qui vient s’imposer à toi là où tu ne t’y attends pas, avec ce respect et cette politesse de circonstance, encore dans le contexte qui te dit un peu « moi et les gens de ma caste t’emmerderont toujours un peu sur le fond » mais en toute bienséance, et peut-être même, que c’était malgré MPS, c’est seulement le contexte qui me donnait cette impression (avec mon instinct grégaire proche du zéro, et mon instinct à deux vitesses qui n’est pas très fiable, toujours à cause de ces défaillances interactionnelles de ce cerveau parfois aveugle, parfois hyperlucide et qu ne prévient jamais de ses fulgurances ou de ses blocages : soit j’ai tout bon du 1er coup, soit je suis à côté de la plaque quand j’ai quelqu’un de nouveau en face de moi et que je n’ai pas le choix d’échanger avec). Je l’observais la première fois, avec toute ma fraîche nouvelle nonchalance convaincue d’être bienfondée, finalement plus proche de celle des neurotypiques, dont je n’avais jamais su faire le mime auparavant, l’air amusée.

MPS n’était pas le seul de sa caste à solliciter ma petite équipe, forcément, et peut-être, d’ailleurs, ne reviendrait il pas de sitôt, plus autonome que ses confrères à ne surtout pas attendre des autres que ce qu’ils produisent détériore tout le travail bien fait qu’il savait produire seul et certainement plus rapidement aussi que ses camarades. J’oubliais de fait bien vite sa visite de courtoisie, ou du reste, n’étant là qu’en touriste de passage parmi des personnes permanentes et totalement détachée de cette situation globale subie par les permanents de l’adversité générale, cette rencontre me semblait d’abord anecdotique.

 

Mais semblait-il qu’il faille qu’il se re-présente à nous de temps en temps et que nous commencions peut-être à échanger quelques mots, puisque dans tous les cas j’étais dans un contexte social ou ignorer des personnes arbitrairement m’aurait confondu dans cette galère, qui n’était terriblement pas la pire que j’ai vécu. Donc les fois suivantes (la femme caméléon bis…), je faisais ce que je faisais de mieux les fois où je le croisais où il rendait visite à notre équipe en notre box… J’observais en restant polie. En particulier pour aller au delà de mes a priori. Parce que je n’aime pas trop en avoir, et que je n’en ai pas la plupart du temps, ça me met mal à l’aise, et j’ai assez de handicap à l’autisme pour me permettre le luxe de supporter des inconforts annexes, et généralement je n’en ai pas, alors que je crois comprendre que tout le reste du monde a un radar qui lui permet de juger automatiquement dès que quelque chose se présente à lui, donc je voulais aller au delà (et ça m’arrive souvent, c’est source de beaucoup de déconvenues et de rouleries diverses, paradoxalement, on a beau être surhabitué à se faire rouler… cette naïveté qui me rend vulnérable ne me quitte pas si facilement depuis le diagnostic pour autant,  malgré ça, on a parfois des surprises heureuses qui dépassent tout l’entendement sur jusqu’à quelle hauteur nos pairs, parce que nos pairs sont neurotypiques également, on l’oublie trop souvent quand on ne reste confiné que dans la sphère de l’autisme, même si c’est plus que compréhensible, peuvent parfois nous élever à des sommités avec rien pour le faire, sans la moindre intention non plus de le faire et même carrément à leur insu). A partir de là j’ai fait quelque petites découvertes. Et d’où je viens, je vous assure, que socialement, il n’y en a aucune de petite.

 

En premier lieu qu’MPS n’était ni prétentieux, ni ne valorisait spécifiquement la qualité de son travail sur la force ou la rigueur qu’il y mettait. Clairement il n’en faisait pas état, les personnes qui le valorisaient étaient ses collègues directs, toute hiérarchie confondue, enfin ceux qui n’étaient pas de suffisamment gros hypocrites. Les chefs de files eux, ne disaient justement rien à ce sujet, et tant de choses négatives sur ses autres collègues de même niveau, parce que quand un système instaure de la compétition entre plusieurs hommes qui forment une majorité comme une petite meute, quand les mâles alphas se font mettre le miroir de leurs inaptitudes respectives à diriger le reste du troupeau, baver sur MPS n’aurait fait que révéler un peu mieux que l’ensemble ne tournait pas rond. MPS était juste naturel et d’un respect sans faille, vis à vis de tous et en toutes circonstances…  Et son attitude était peut-être plus spontanée et naturelle  que la plupart de ses collègues, que la plupart de toutes les populations, sans distinction de la moindre catégorie. Sa politesse n’était pas feinte, et plutôt le résultat d’une éducation qui ne laisse pas grand chose de côté et cherche moins le paraître que de faire valoir certaines valeurs humaines profondément dignes qui se sont transmises de génération en génération, de manière assez intacte. Donc finalement il n’y avait rien de trafiqué dans l’attitude de MPS, ni de surface cachant quelques tares mal assumées, ce qui était peut être son seul défaut et la raison pour laquelle il m’apparut un peu snob lors de cette première rencontre. Le défaut de perfection et d’être trop consciencieux pour ce monde là.

 

La deuxième chose que j’ai pu observer au détour de quelques discussions de couloirs et de situations sociales, où de nouveau je me sentais tellement détachée de toute cette atmosphère pesante, fut son ouverture d’esprit. J’ai plusieurs niveaux de langage à l’oral, qui transparaissent moins à l’écrit, ou du moins qu’on appelle alors plus facilement style, tandis qu’à l’oral j’adapte forcément ces niveaux en fonctions de l’interlocuteur. Comme j’étais à l’aise, et qu’il n’y avait aucun enjeu à me trouver là aujourd’hui ou ailleurs demain, je ne produisais pas de gros efforts de fait d’adapter systématiquement aux uns et aux autres des verbiages trop circonstanciés, et ça me permettait aussi de conserver une certain distance, quitte à paraître trop familière, de ne pas leur faire souscrire à l’idée que ma présence ici était acquise, ou juste de me mettre dans une situation de dépendance subordonnée ou d’avilissement pratique. Ce qui me donnait une relative liberté d’organiser mon travail comme bon me semblait et me permettait d’être efficace malgré une quantité de règles de procédures tellement poussées à l’extrême que la moitié était une stricte perte de temps et de productivité à compétences acquises. Ce que je remarquais c’est que si certains me trouvaient, moi, snob, et à très forte raison, vu le peu de flatteries ou d’implications que j’entretenais avec la plupart sauf ma caste et MPS durant les conversations informelles de couloirs, à MPS je pouvais toujours parler librement sur quel que ton que ce soit, qu’il n’en fasse la moindre déduction en jugement négatif. De toute façon, MPS n’en avait rien à faire des comportements des uns et des autres, du moment que son travail n’était pas perturbé. Et pourtant il n’était pas en déficit d’interaction ou de savoir interpréter les implicites ou les comportements insidieux.

 

Et la dernière chose, la plus importe sans doute, qui lui a valu ce surnom, qu’il ne sait même pas que je l’en ai affublé sans en dire mot à qui que ce soit durant toute cette période… Mon Petit Soleil… Et sans que le terme petit vise aucunement à le diminuer, vient de son sourire. Moi qui suis nulle aussi en décryptage des intentions par les traits de visage, j’ai du le trouver un peu narquois au départ. Donc vraiment par besoin d’y voir plus clair, et même si ça ne va pas paraître bien malin, il a fallu que je l’étudie quelques semaines, ça m’a pris des semaines, au moins trois après avoir fait connaissance, pour décrypter quelque nouveau trait de caractère, on me reprochera souvent dans d’autres expériences de ne pas chercher à connaître mes pairs comme c’est impensable pour d’autres, et bien pas cette fois. Là où je n’ai pas fait une moindre découverte inespérée. De nouveau je ne sais pas me fier aux différentes significations que peut avoir un simple sourire, et il y a en de multiples.

La moquerie, la séduction, l’ironie, le sarcasme, prendre de la hauteur, de la distance. Voilà ce que je sais du sourire, il peut vouloir dire une quantité infinie de choses, que les neurotypiques savent bien interpréter de manière totalement instinctive, et pas moi. J’avoue une certaine jalousie par rapport à la valeur que je leur prête. Parce que tandis qu’ils veulent tout dire, moi la plupart du temps il ne me disent rien à part d’un point de vue esthétique que je les trouve jolis ou moches comme une grimace selon les cas, et mon cerveau ne met aucune intention là dedans, une nouvelle fois, les sens l’emportent, en l’occurrence les yeux, et le sourire dit basiquement que la personne est contente, c’est bien pour elle. Donc il m’a pris de vouloir éprouver ce qui pouvait ou non faire sourire ou non MPS. Parce que pour le peu que j’éprouve le besoin de m’intéresser à quelqu’un, ce qui est déjà assez transgressif de ma part et par rapport à la non naturalité et l’intellectualisation préalable obligatoire que je dois avoir avant de m’y décider, dû au S.A, et aussi le vécu… du au S.A que nous autres qui éprouvons le rejet dès le plus jeune âge, apprenons aussi très vite à garder nos distances coûte que coûte pour  nous préserver de certains dangers liés à notre vulnérabilité native, qui engendre par là même de nombreuses interprétations de nos amis neurotypiques qui nous trouvent très facilement froids et distants et même parfois carrément MÉCHANTS ou méprisants en raison de cette attitude peu avenante pour les raisons suscitées. On pourrait appeler ça de la manipulation si j’avais des intentions mesquines, mais j’ai le plus souvent des intentions de comprendre les choses et de surtout veiller à bien les appréhender ce qui est la partie la plus compliquée du travail. Alors dès que l’occasion se présentait, je tentais par TOUS les moyens de faire sourire MPS. …

Rebondissant sur mes propres maladresses si je disais une bêtise, plaisantant à tour de bras parmi tous ces gens que je n’avais globalement pas tant envie de faire rire, dans n’importe quel contexte, du moment qu’il était dans les parages. Même à cinq, même à 10 mètres, tant que j’avais le champ de vision suffisant et l’assurance qu’il entendait peut-être et que je puisse observer ses réactions. Et lui décrocher un sourire. Je le redis, MPS n’était pas tant attaché à sa popularité dans un groupe de poseurs à majorité de mâles en compétition, qu’à produire un travail bien fait, donc finalement il ne souriait pas tant que ça au quotidien… Et voilà, les résultats de mes recherches confirmés au bout de quelques joues de cet exercice qui … vaut ce qu’il vaut… quand on doit en passer par des méthodes saugrenues pour obtenir des réponses sans dérouter un parfait inconnu qui vous intrigue un peu trop… MPS sourit toujours de la manière la plus spontanée et sincère qui soit sans le moindre faux-semblant.

Il y a des gens, j’en fait partie, pour les raisons que vous savez, qui travaillent leur attitude, moi c’est parce que je ne sais pas faire, donc j’ai du procéder par imitation, les neurotypiques, eux, les femmes en particulier qu’on éduque tout au long de leur vie à être plaisantes, doivent savoir sourire (moi j’ai des dents un peu en quinconce, en +, quand j’ai découvert que je n’avais pas le sourire ulrabright des pubs pour dentifrice, j’ai du apprendre à sourire sans trop montrer les dents, pire, avant ça j’ai appris à sourire en regardant des dessin animés, et retenant l’expression  « sourire de toutes ses dents » pour « montrer son plus beau sourire » j’ai longtemps cru que du coup, un beau sourire tenait au fait d’écarter le plus largement possible les commissures, ce qui n’est pas très élégant… bref j’ai fait du chemin depuis…). Ça a vraiment longtemps ressemblé à ça, et heureusement que j’étais une mignonne blondinette, mais ce gif ne contient en l’occurrence aucune exagération des faits avant que je découvre les poses affectées des chanteuses eighties des OK Podium de ma grande sœur.

 

MPS c’est encore différent. Il ne se force jamais, donc ses ressentis le trahissent, et encore qu’une fois de plus je ne suis pas bonne interprète, vous savez il y a ces personnes qui changent d’expression à la moindre émotion avec beaucoup d’expression récurrente évidentes et sur le visage desquelles on peut lire comme dans un livre ouvert et d’autres plus rigides ou c’est plus compliqué, et moi j’ai un malus basique par rapport à tout ça en plus, donc je dois doublement observer et ça me prend plus de temps de savoir à quoi m’en tenir en terme de décryptage, et mes erreurs d’interprétation à ce jour sont encore nombreuses. MPS a des expressions fines, et des traits fins, par ailleurs, donc globalement seuls la forme de ses yeux et de sa bouche changent, et dans ce contexte, comme il était le plus souvent très sérieux, difficile d’interpréter ses états d’âmes à quelques agacements contenus près (que le boulot ne marche pas comme il se tuait à le rendre parfait et sans faille, donc). Mais quand il sourit, il devient lumineux, parce que ce qui transparaît, c’est que non seulement ce n’est jamais forcé, mais en plus c’est toujours toujours un peu malgré lui, comme s’il ne s’y attendait pas lui même, ce qui amplifie un dégagement de sincérité absolue à chaque fois. Comme le tirer d’une routine  et qu’il n’en soit pas coutumier. Combien de personnes sourient de telle sorte? Peut-être plus que je ne crois, mais combien de fois j’ai pu observer ça? Peut-être seulement deux. De lui et d’un ami de 20 ans qui a disparu, et dont le sourire me manque autant aujourd’hui que de son vivant, que nous n’habitions pas dans la même ville, non plus. Une fois mon « CQFD » obtenu, de la sincérité constante de MPS, j’ai donc cessé de tout faire pour le forcer, parce qu’il faut bien avouer que ce n’était pas très honnête de ma part, même si je m’excuse volontiers, du moment que ça ne cachait pas de mauvaise intention vis à vis de lui. Mais voilà encore la Grâce dans une situation peu chanceuse au niveau de son contexte et de son ambiance. Avec un sourire pareil que je savais terré dans le grand immeuble, comment ne pas éprouver de la joie à se rendre là chaque matin, avec l’espoir de le trouver au détour de la routine, si ça se présentait.

 

Voilà comment, pour ma part, la rencontre d’MPS m’a porté tout au long de cette mission. Autant qu’il n’en avait certainement RIEN À PÉTER que je sois dans ces mêmes locaux ou non, ne faisant aucune différence, tant nos chemins étaient différents. La sienne si bien tracée, la mienne si précaire. La différence de condition sociale n’ayant aucun moyen de nous réunir d’aucune façon, je profitais de ces moments de grâce et du moteur que c’était à supporter cette atmosphère de plomb juste comme un cadeau. Un levier. Une prothèse. Une aide à supporter ce qu’en temps normal je n’aurais pas apprécié de vivre bien longtemps. Des gens qui s’écharpent, d’autres qui tombent comme des mouches en arrêts maladie de six mois et plus par surcharge, d’autres encore qui se sont aménagés un poste où ils ne fichent pas grand chose et paradent et fanfaronnent beaucoup pendant que les MPS, en sous-marin, sauvent les petites fesses de ces majorettes en parade chaque jour et leur assurent un petit confort de vie supplémentaire sans demander leur reste ni la moindre revendication salariale de reconnaissance.

 

En résumé si je croisais MPS une seule fois dans la journée, j’étais comblée. S’il me souriait en plus ou que nous échangions trois mots, je marchais sur un nuage et rien ne pouvait m’atteindre ou me déstabiliser et si je ne le voyais pas du tout, je devais m’accrocher au lendemain. J’ai parfois rusé en sachant pertinemment qu’il serait enfermé dans une salle de réunion à me trouver des copie à faire pas loin de la dite salle, PILE quand il en sortait où y rentrait avec sa flopée de clients étrangers, en me gardant bien de reste à plus de dix mètres pour ne pas qu’il s’en aperçoive. Et de manière irrégulière aussi, pour ne pas Stalker façon Peeping Tom. (au cas où, j’ai pas la discrétion dans les gênes pour ce genre de choses non plus…)

 

 

Terrible expérience infraordinaire qui vous rappelle combien la beauté est parfois cachée dans des choses qu’on ne relève que si on reste alerte. Ma mission continuait ainsi avec mon équipe de femmes fortes, subissant les humiliations de classe et de valeur sans broncher chaque jour, bon gré mal gré pour pouvoir mettre un peu de beurre dans les épinards pendant que le corps et la tête prennent cher, si elles ne se serrent pas les coudes. Bien sûr, sinon ça perd de son piquant, l’ambiance se dégradait de jour en jour, et les gens commençaient à quitter les lieux ou l’envisager de plus en plus. Pour ceux qui ne tombaient pas. Il en était de même pour moi et mes collègues. Tout le monde n’en pouvait plus et il s’agissait de chercher des portes de sorties comme des issues de secours, je n’échappais pas à la règle. Je savais que je garderais contact avec mon équipe, mais je commençais aussi à évaluer que j’aurais du manque à ne plus pouvoir regarder MPS sourire, vu comme ça transportait et vu l’effet anxiolytique de la chose. Et j’ai fait pire pour en savoir plus. Oui, oui. Pire. N’allez pas croire que je vais culpabiliser non plus, mais voilà, j’ai continué à vouloir en savoir plus, et j’ai fouillé ses dossiers en partage sur les réseaux, ses dossiers de travail quand personne ne me voyait faire. Partout rigueur, efficacité, organisation, et même dans la façon d’écrire, une manière simple, efficace, sérieuse et diablement pointue sur les connaissances ou les dispositions à prendre pour mener un projet à son terme dans les règles de l’Art. Ça force le respect, l’admiration, que de telles personnes existent, et surtout qui veut se passer de quelqu’un comme ça dans son entourage?

 

C’est réellement là qu’il fallait trouver un moyen de briser vraiment la glace et de ne pas rester sur des rapports humains de surface. Mais allez intéresser quelqu’un qui hiérarchiquement, socialement et humainement force votre admiration à des milieux et des cultures tellement éloignés, voilà quelque chose de plus compliqué.

 

J’ai dû sociabiliser en vrai. Quand je dis j’ai du sociabiliser, c’est à dire que j’ai du forcer la rencontre, j’ai du ruser, j’ai du faire mille efforts pour me rendre sympa et avenante, une nouvelle fois, c’est pas mon fort, auprès de ses collègues directs et briser cette foutue barrière sociale. Level de difficulté : + 1000, en temps normal je ne fais jamais ça, d’ailleurs ça ne s’est jamais reproduit depuis. Et la barre était franchement haute, parce qu’il n’y avait aucun concours de circonstance facilitant. Mais ça a payé. Je me demande terriblement ce qu’MPS en penserait s’il lisait tout ça, je marche un peu à vue, j’ai beau me planquer sous un pseudo, il n’est pas sans savoir que ce site existe, j’ai beau axer tout ce discours sur l’autisme, ajouter des mots les uns après les autres dans une verve implacable pour nous occuper un peu l’été à vous et à moi, malgré que les mots s’enchaînent tout seuls et que je ne pense pas trop y revenir au moment des corrections, pour garder la spontanéité des pensées que je retranscris à mesure qu’elle me viennent, et en venir (un jour, qui sait) à mon point final… Je ne suis pas très à l’aise à l’idée des interprétations qu’il pourrait s’en faire, ou juste vous. Mais sur ce sujet précis des personnalités inspirantes, je ne peux pas être malhonnête non plus tant sur le besoin de ce récit que les sentiments que j’ai pour MPS, j’y reviendrai plus tard, et je vous rassure, ce prodigieusement long article ne s’attache pas qu’à lui et à mon amie d’enfance. Juste cet exemple dont vous vous rappellerez en fin de lecture (et je vous mets au défi d’arriver au bout), est un point d’orgue de ce que je veux démontrer finalement. Gardez juste en tête qu’MPS comme mon amie d’enfance ne devions à la base rien à voir en commun.

 

Donc je suis partie de cette ambiance. Mais je revoyais MPS et son meilleur ami des lieux dans ce contexte là, déjà pour fêter mon départ, par une sortie un peu ludique, comme pièce rapportée d’être invitée à une soirée dont eux deux avaient quelques habitudes. Je suis allée avec ces deux compères dans un pub. BRUYANT. Ou on boit de la bière (je déteste ça) et où on ne s’entend pas parler. Mais j’ai quelques compétences musicales, donc on a fini 2 ou 3ème au blind test des hits des charts anglophones.

 

Puis on s’est revus, allez savoir quel sms maladroit et peu concis j’ai dû bricoler à cet effet quelques jours plus tard. En tout bien tout honneur, MPS est une personne de tout bien et de tout honneur. Imaginez qu’il en existe, on me l’aurait dit avant, que j’aurais sûrement pouffé. Et voilà aussi que j’ai appris qu’on peut raisonnablement exprimer ses ressentis vis à vis de quelqu’un sans se prendre des foudres en retour si ce n’est pas partagé. Et de manière simple et courtoise et sans arrière pensées ni expectatives de quoi que ce soit. Même quand on est zéro pointé en concision. Bref, je suis sortie de ma zone de confort pour garder une seule personne avec qui je pensais que nous n’avions rien à voir ni rien à nous dire et encore moins à faire ensemble. Juste pour le sentiment de plénitude de savoir que de telles personnes existent. Qui ne vous jugent pas et qui restent toujours égale à elles même, quoi qu’il arrive, et vivent profondément dans l’être intrinsèquement, plutôt que dans les attitudes affectées pour impressionner qui ou quoi.

 

Ça a été cocasse du reste. Marcher dans un froid glacial à la recherche de restaurants tous plus fermés que les uns les autres. En trouver où les serveurs sont d’une telle nonchalance totalement involontaire à vous jeter les couverts à la figure, oublier de vous proposer l’entrée, l’apéro, le café, le dessert, ou vous les proposer et oublier de les servir, ou encore (et là ce fut un festival, mieux qu’une pièce de théâtre), se trouver dans un lieu où le client tombe de sa chaise, puis celui d’une autre table fait tomber un verre qui se casse en mille morceaux, puis au dessus de nos deux têtes une serveuse dont l’immense plateau refait de plats libanais virevolte de tout le bout de son bras, vaisselle incluse sans être effleuré d’une seule feuille de salade… j’en passe… Se rendre à un concert et apprendre au moment d’y aller qu’il est complet, là où c’était une entrée libre, j’en passe… Et tout ça a duré un an. À des intervalles de quelques semaines, en fonction des disponibilités. MPS étant pris par de nombreux voyages pour ses projets à traiter, justement. Jusqu’à ce qu’il m’évoque son départ de la ville pour des raisons personnelles et si je savais auparavant, à mesure de nos sorties, que c’était en projet, je le redoutais d’autant plus, en sachant que c’était inévitable et je n’étais personne pour l’en contrarier.

 

Est-ce que ça avait alors valu le coup de tenir à tout prix à entretenir ce contact en sachant que c’était de toute façon éphémère, de ma part qui ne jure que pas la constance et qui en est besoin pour l’équilibre, qui était maintenant un ami, ou un départ d’amitié tué dans l’œuf ? Absolument que oui. Et pour les mêmes raisons que précédemment. Au delà d’être sortie de ma zone confort, ça m’a ouvert l’esprit sur tant de choses auxquelles je ne connaissais rien et qui revenaient au fil des conversations, et donner de maintes occasions de me renseigner plus sur tout ce que je connaissais pas qui pouvait traverser nos conversations. Au delà de ça, j’ai encore rencontré une personne différente de toutes celles que j’avais connues auparavant, et surtout une personne de plus qui ne me juge pas, qui sait aller au delà de ses propres a priori, ou de mes apparences que d’autres jugent bien bizarres, je suppose, et qui m’a encore fait grandir et qui m’a aussi ému. Beaucoup. Pourtant MPS a eu tout sauf une vie facile ces dernières années, avec lui aussi son et peut-être ses combat(s) à mener, et pas des moindres, mais je ne l’ai jamais entendu se plaindre, et surtout il était présent à tous les moments passés ensemble, à tous les échanges, tous les mots et je n’ai pas le souvenir d’un seul moment d’ennui en sa compagnie. De gêne peut-être parce que j’aurais voulu lui dire encore tant de choses, et l’écouter encore autant, et sourire pareil, surtout ce furent des échanges riches, et à la portée dense. Je me demande ce qu’il en est pour lui, j’espère juste qu’il n’était pas là simplement pour être accommodant par trop de gentillesse, et si c’était le cas… Je ne l’ai pas ressenti. À chaque rencontre, j’ai flotté un peu sur un nuage les jours suivants en me remémorant nos conversations, que ce soit sur les oiseaux endémiques de pays dont je connais mal la faune, ou même de sport. Alors que je ne suis pas très intéressée là dedans. Ou de situations personnelles. Il savait m’amener un point de vue différent et pertinent que je ne voyais pas forcément du premier coup selon mes schémas de pensées habituels. Depuis ce temps je me demande encore comment les gens peuvent se passer de se mêler à des personnes  diamétralement différentes d’elles à la base, quand je vois la richesse que ça peut apporter. Les jugements de classe sont vraiment aussi débiles que tous les autres.

 

Il m’a annoncé son départ sous quelques semaines, ou le fait d’y penser, et pas son départ imminent, quand il est vraiment parti. Je ne peux pas m’étaler sur ses raisons ni de ne pas me dire au revoir ou de ne plus donner de nouvelles, déjà parce que je pouvais les comprendre, rêvez pas que j’installe un judas sur la porte de mes mots et que vous sachiez tout de mes proches, c’est mort, j’ai bien prévu de n’en dire juste pas assez… pour des raisons que vous comprendrez plus tard. Je l’ai vu une dernière fois à mon anniversaire, où il ne connaissait aucun de mes autres amis, du reste assez éclectiques, et c’était un dernier cadeau qu’il y soit présent avant de partir. Un peu de manque ou d’incompréhension peut-être, mais nos objectifs et historiques très différents permettait largement ça. Et je suis trop bien placée pour connaître la plaie des déménagements, moi-même je n’ai jamais pris la peine de dire au revoir à tout le monde ou de reprendre contact avec certains ensuite, et j’en ai quand même 5 au compteurs, peu par choix cela dit, je sais trop bien ce que c’est, je déteste ça pour la partie logistique, quand bien même j’aurais eu peu de raisons de lui en vouloir et quand il est temps de partir, il est rare que je regarde trop derrière moi.

 

Facebook et ses algorithmes ont fait leur job dans les mois qui ont suivi sont départs, je suppose, et j’ai reçu une suggestion d’amitié par ce biais… Celles là même que je consulte très peu quand j’en reçois, moi-même. Fatiguée que des personnes que je ne connais pas du tout me lancent au hasard des invitations ou sous prétexte qu’on a d’autres amis en commun, je pars souvent du principe que si on ne s’est pas croisé dans la vraie vie, ça ne rimera pas forcément à grand chose, donc je ne fais le ménage dedans que très sommairement et occasionnellement.  Et j’accepte peu de monde, et c’est souvent un test de compatibilité les premiers temps aussi, si je le fais, si nous n’avons rien  à nous dire dans les semaines qui suivent, à quoi bon? Là le cas était inverse, et c’est moi qui ait eu la proposition de rejoindre son réseau. J’ai cliqué sur le bouton « ajouter » après quelques hésitations, en me disant que s’il changeait de vie, peut-être qu’il n’avait pas besoin de cette intrusion d’un passé récent  qu’il n’avait pas hésité à quitter.

Rien. Pas de retour.

 

J’ai oublié. En souhaitant dans cette non réponse qu’il ait refait sa vie au mieux et réalisé les objectifs que je connaissais et peut-être d’autres, comment souhaiter le malheur a une personne qui vous enrichit par la virtuosité de sa bienveillance et de sa correction permanente, comment en vouloir à quelqu’un qui toujours fidèle à lui-même, ne vous a fait aucun faux bond, ne  vous  a pas une seule fois manqué de respect, au revoir sourire, au revoir soleil… C’était il y a 3 ou 4 ans tout ça.

 

Il y a quelques semaines à peine de ça, j’étais en train de travailler sur le site (pour changer), et je vois mon invitation acceptée. Facebook est à la fois ma boite à pensées inutiles, articles que je trouve pertinent, mon fil avec mes personnes qui l’ont aussi pour avoir des nouvelles sans forcément échanger tout le temps des mots (mon téléphone sonne très peu, et j’appelle très peu), et je ne sais pas faire de sms, à la rigueur whatsapp est bien pratique que ce soit au travail ou dans la vie privée quand d’autres amis n’ont pas ou utilisent peu la plateforme Zuckerberg. Ça me sert aussi à faire des petites pauses quand j’écris ou quand je dois me concentrer sur d’autres tâches, quand je bute, et que je dois repenser mes mots ou mes actions, finalement la partie divertissante vient en dernier, mais c’est aussi parce que j’y ai des potes qui ne font que publier des choses qui me font absolument rire. Je n’ai pas de télé, j’y suis donc les informations d’ici et d’ailleurs, je déplore juste que toutes les publications à vocation justicières pour militer contre ceci ou cela se fassent aujourd’hui plus virtuelles que dans le quotidien des personnes qui les publient, ou juste dans la rue quand le temps s’y prête, mais je milite très peu moi-même, depuis que certaines polices sont devenues physiquement dangereuses ou carrément meurtrières pour la population de grève ou de manifs et aussi du à quelques arriérés de mon dossier médical, je ne peux pas me permettre d’aller respirer les bonnes vapeurs de gaz lacrymogène comme je veux.

 

Quelle surprise, ce jour là. Je me suis interrompue et on a discuté, comme hier, qu’est ce que tu deviens, es tu mieux là bas, comment tu vis, qu’est-ce que tu fais etc. Comme hier. Voilà ce que sont les amis. Comme hier, peut-être pas pareil que demain, et en attendant rien de change, et on apprécie leurs mêmes qualités. Et ce qu’on s’échange sur facebook. Des choses personnelles sur messenger et des petits posts-it dans les commentaires de publications, pour dire « Coucou, voilà une pensée pour toi » etc…

 

Je ne m’y attendais pas tant, quand dans le fil d’une conversation, je dis informellement : « Mais tiens moi au courant quand tu viens à Paris, on pourrait se voir, se faire une bouffe, boire un coup », comme hier, comme avant… comme si de rien était. Comme si le temps, la distance dans ces moments là se fondaient dans un petit vortex quantique sans importance pour briser la routine.

 

 

Je ne m’y attendais pas du tout, quand quelques jours plus tard, MPS me dit « Jeudi je serai là, mon hôtel ne doit pas être bien loin de chez toi » , j’avais dit ça comme ça, je ne considérais pas qu’on se verrait à peine quelques jours plus tard. Comme quoi, c’est bien quand on attend rien de rien qu’on peut tout espérer.

 

Jeudi c’était comme demain, si c’était la semaine suivante ou celle en cours, jeudi c’était comme demain et comme hier, je crois qu’on se voyait les jeudi, et je bondissais de joie, rien à qu’à l’idée. Le sourire de MPS. Qui m’aurait dit que je le reverrais un jour.

 

C’était juste le lendemain de mon shopping avec ma copine d’enfance à la Braderie Arcat. J’essayais de faire un contenu super, pour avoir une journée bien accomplie et dont je serais satisfaite, et de ne voir surtout personne, de ne parler avec personne, d’éviter les contrariété, pour ne pas arriver avec une journée un peu gâchée par quoi que ce soit et que ce soit encore plus plaisant de la terminer avec lui, quand on a pas de travail contraint par le patron et les collègues, et les tâches, et les urgences et celles de la vie personnelle aussi, et qu’on peut tout planifier, être prêt en temps et en heure, c’est seulement parfait. Sauf que je me perds dans les rues y compris à 300 mètres de chez moi alors que je suis tenue de connaître le quartier par cœur depuis dix ans que je j’y vis, donc on va dire que j’avais quelques minutes de retard en allant chercher mon ami au pied de son hôtel.

 

Ça m’a fait un choc visuel dans le contexte de disparition de ma vue de ces dernières années, quand il est sorti. Et sûrement ça m’a fait fait encore plus plaisir que ce que j’imaginais. Le temps passé à échanger sur internet ne me fera jamais le même effet que de passer un moment avec la personne, peut-être aussi que c’est parce que c’est rare et d’autant plus appréciable.

 

C’était aujourd’hui comme hier, revoir ce sourire lumineux, dont l’image s’était un peu estompé et qui ne fait pas le même effet en souvenir qu’en vrai ou son pouvoir d’illumination est décuplé, comme une apparition de Bernadette Soubirou (je voulais placer Bernadette Soubirou, dans un texte depuis longtemps, ça fait partie des consonnances qui me font rire : BernadetteSoubirou!). C’était aujourd’hui comme hier, en mieux. En mieux parce que ce changement de vie qu’MPS a pris me l’a ramené plus détendu que je l’ai connu, en mieux, parce que de fait, on a beaucoup ri en évoquant le passé et le présent, et parlé de choses aussi plus personnelles et profondes d’antan. Par exemple il m’a parlé de sa mère à un moment, et j’ai cru entendre parler de la mienne exactement comme quand ma sœur et moi évoquons notre éducation. J’imagine aussi que parce que j’en ai fini de la phase d’acceptation du diagnostic et du handicap, je me porte aussi bien mieux, ça fluidifie les échanges en conséquence. Je serais restée mille ans à cette table avec mon ami, et le temps s’y est arrêté, le lendemain voilà que les ailes poussées dans mon dos de la veille se sont encore élargies et que les bonnes nouvelles portant les bonnes nouvelles, je revoyais encore un ami de bien longue date, le jour suivant.

 

MPS est reparti il y avait « école » le lendemain. Pas sans un long Hug qui cristalise tout l’amour que je lui porte et que je ne sais jamais nommer parce que j’ai parfois l’impression de le connaître à la fois si peu et tellement que c’est compliqué à identifier, et peut-être aussi que j’ai une peur sous-jacente de le considérer plus, et que ça ne soit pas partagé, je sais juste que ma vie est meilleure en le sachant dans mon entourage que sans, et Dieu sait comme j’ai eu à batailler à la fois contre moi-même, mes propres préjugés, ma zone de confort, et les présupposés sociaux usuels pour en arriver là et comme j’en ai aucun regret et comme à chaque échange il m’apparaît le bien fondé de l’avoir fait. On pourrait faire une comparaison encore avec l’autisme ici. C’est très agréable de se savoir autiste et d’échanger avec des personnes qui ont le même trouble en étant sur la même longueur d’onde, et je m’y suis conforté longtemps avant le diagnostic officiel, mais au delà est ce une si bonne chose de ne rester que dans cet univers trop restreint? Sûrement pas, juste parce qu’on ne va pas tous s’entendre sur le simple critère de partager cette neurodivergence. Et juste sur le fait qu’avant tout, il y a l’humain et que si les neurotypiques, savaient eux même mieux exprimer leurs sentiments sans animosité quand ils ne se font pas comprendre par rapport au sens et à l’intention de ce qu’ils veulent exprimer, ce que nous faisons spontanément ou à notre insu et qui nous est souvent reproché dès lors que nous sommes carencés pour interpréter les émotions des autres, peut-être il serait plus simple de trouver un meilleur équilibre tous ensemble avec quelques efforts de la majorité. Mais voilà, je ne sais pas comment serait reçu de dire à MPS « je tiens à toi, j’ignore de quelle manière, mais tu m’es suffisamment précieux pour que je ne souhaite jamais briser ce lien, et j’aimerais que tu t’en rappelle longtemps ». Je sais juste que l’amitié est une forme d’amour, que dans certains cas de figure il se déleste même du terme d’amitié pour définir un couple comme si c’était un upgrade de sentiments et placer une de ces formes exclusives au sommet de toutes les autres, je sais juste que d’amour ou d’amitié, tout ça est protéïforme à l’infini quel que soit le nom qu’on lui prête et que la grâce qu’il engendre est un générateur de solutions dans n’importe quelle situation, même la plus pourrie. Je frôlais déjà l’overdose de bons sentiments, sans le danger couru de m’en laisser déborder plus que de mesure, ni la dépendance et voilà que mon pote depuis ses 8 ans, qui en a dix huit aujourd’hui, vient passer une après midi, dans mon quartier visiter un peu, le temps de son stage étudiant.

 

C’est l’histoire de toute une famille que j’ai connu quand j’habitais Lyon, et qui s’est agrandie depuis, d’un autre ami avec qui nous nous sommes rencontrés via le net par jeux de mots interposés sur un forum d’un groupe de musique, puis de plusieurs autres, que nous avons par la suite filmé, où on a partagé des concerts, et qui m’a invité à son mariage, et qu’il me manque souvent de ne plus pouvoir leur rendre visite si souvent depuis que je suis installée à Paris.

 

J’ai emmené le fils au Père Lachaise, lui faire faire une pause de la dure vie de stagiaire en audiovisuel. Puis à la Butte Bergeyre, on a mangé un bout et clôturé l’affaire par un petit apéro dans d’autres lieux à la réputation  ancestrale parmi les punks. Ce fut agréable comme une longue excursion, où on se raconte le temps et la constance de l’amitié avec toute cette famille de cœur. Ça m’a ramené encore plus de 10 ans en arrière, et voilà qu’en trois jours, la machine à remonter le temps s’est remise en route. Les enfants qui grandissent « si vite » sous couvert qu’on ne les a pas revus depuis tellement longtemps, vous rappellent juste à quel point les jours qui se suivent sont une notion relative, et les progrès accomplis depuis sans trop de besoin d’introspection… Je n’étais pas en reste sur ce nuage de volupté depuis trois jours, à danser sur les étoiles et me laisser bercer par les vagues de ces énergies positives… Et voilà un garçonnet d’hier qui m’arrivait à peine à la taille, avec qui je discutais juste dans les champs en observant les sauterelles tantôt, qui venait de prendre une tête de plus que moi, me parle de ses amis, de ses études, joue désormais de la guitare, a la tête bien pleine et bien saine d’une éducation super avec ses deux frères et des parents attentifs et bienveillants, toujours, et sait ce qu’il fera demain avec des objectifs fixes très bien définis, exemplaire. Ça donne déjà une bonne idée des personnes qui m’entourent et pourquoi si mes sorties sont peu nombreuses cette solitude qui ne me pèse pas tant, me permet d’avancer à grandes enjambées au lieu de me morfondre ou de stagner, ou pire de régresser ce dont je ne suis jamais à l’abri dans mon état. Visiblement, la vie a décidé cette semaine là d’aligner mes proches sur la même ligne, et je ne m’en serais pas plains, si j’avais voulu planifier tout ça, je suis certaine que ç’aurait bien différent et compliqué, voire impossible.

 

Mon ami Indigène

 

Toute la Terre est son pays. Ni citoyen du monde ni patriote nulle part. Il s’agit cette fois de remonter près de douze ans en arrière. Je ne sais pas quoi penser de cette relation, qui en tout ce temps a pris autant de formes différentes qu’il en est possible. Je ne sais pas non plus en raison de quoi on peut considérer une personne comme si elle était de la famille ou non, c’est sûrement aussi abstrait et immatériel que le temps. Allez savoir. Je sais juste qu’on peut parler de tout avec lui, même des zones les plus sombres, sans tabou ou presque, disons je ne suis pas celle des deux qui fait des secrets, et je respecte bien volontiers les siens. Voilà bien longtemps qu’il voyage, voilà bien longtemps que ses domiciles prennent des formes multiples. Et le nombre de fois où nous ne sommes pas tombés d’accord qui ne nous a pourtant jamais empêché de dépasser ces désaccords et de finir par continuer à nous entendre. Sûrement qu’on ne s’entend que parce qu’on s’écoute, voilà quelque chose qu’il m’a sans doute appris. Il doit falloir avoir une sensibilité toutefois assez proche, quand on fait fi des orages, des tempêtes, de désaccords majeurs, de mécompréhensions certaines et parfois d’incompréhension totale, et pourtant.

 

Mon ami voyageur a divers talents artistiques maintes fois éprouvés et reconnus dans les milieux concernés où il a exercé, a contrario de lui, je ne sais travailler que seule à certains projets dans une obscurité épaisse comme un brouillard d’hiver, étant donné les non-moyens dont je dispose pour ce faire, en parallèle d’activité salariées, et j’estime que c’est mieux que rien, parce que j’ai souvent eu plus de raison d’abandonner que de continuer. Forcément, il est de coutume depuis tout ce temps que nous nous demandions nos avis, exposions nos œuvres, émettions des critiques constructives. Je déplorais juste qu’il écrive si peu, alors que je connaissais pourtant bien sa plume. Et voilà comment plusieurs mois après une grosse rupture de nos, naguère, si belles ententes, je vois peut-être là, à terme, l’issue d’un conflit. J’ai déjà dit que je ne m’encombrais très peu de relation toxiques, que je n’hésite jamais à les quitter ou les fuir dès que ça frôle l’inadmissible, mais là, pleine de reproches, toutes les pensées polluantes que j’avais en tête ne s’affadissaient pas après un second heurt de notre historique relationnel, et tandis qu’il prenait de mes nouvelles, ne voulant plus attiser la moindre négativité, je jouais le jeu de la sympathie, à distance, de manière neutre. C’est à dire qu’il y a avait eu une première tempête, pour ne pas dire une catastrophe naturelle totalement dévastatrice dont nous nous étions pourtant remis, puis une deuxième, où j’avais cette fois la confirmation d’une forme d’instrumentalisation, toute inconsciente soit-elle, qui en plus de faire du mal à mon ami m’en faisait subir les dommages collatéraux de manière trop directe et violente pour quelqu’un d’étranger à sa situation. Il était donc temps de remettre les choses à plat. Ce que je ferais pas pour être en paix avec moi-même.

 

Mon ami s’envolait encore à l’étranger de plus en plus souvent, jusqu’à s’y installer quelques mois, il ne tient pas en place, l’espace n’est jamais assez, ajoutez lui trois galaxies de plus, il serait capable de se sentir à l’étroit au bout de deux jours, et comme il vit au présent en passant constamment d’un univers à l’autre, le temps n’est tellement rien dans son quotidien qu’il s’adapte très bien en passant d’une situation à une autre comme si la précédente s’effaçait à la même vitesse que s’écrit la nouvelle. Il fallait mordre au travers de ces deux accidents notables, il fallait que je sois réconciliée avec son idée, parce que la colère que je nourrissais et par deux fois de trouver que j’avais été trop confiante et encore pas assez distanciée, me pourrissait l’existence, tandis que lui passait volontiers à autre chose plus facilement et s’en trop s’en soucier. Mais en bon souvenir de la personne référente et parfois de tous les soutiens qu’il avait été, qu’il est encore parfois et qu’il sera je l’espère encore demain, avant nos incartades, je souhaitais tenter une dernière solution, et voir ce que ça donnerait à terme.

 

C’est ainsi que je proposais un projet d’écriture à deux paires de mains, peu contraignant, qui puisse se faire à distance, ne prenne que peu de temps, sans date limite définie, encore moins d’objectif à ce que cela ne devienne quelque chose de public.

 

Ainsi j’envoyais les premières lignes, avec son accord pour essayer, et si possible révéler au passage ses talents d’écriture dont je trouvais qu’ils n’avaient pas tant été mis en valeur qu’ils auraient pu l’être pour toutes les fois où il fallait qu’il trace quelques lignes de mots pour décrire d’autres projets. Voir à terme si mon intuition, dont je n’ai que rarement l’usage, puisse être juste que nous écrivions un texte pertinent, beau et hors du commun. Mon ami répondait quelques jours plus tard avec la suite… Puis nous nous passions quelques appels entre temps pour faire certaines mises au point. Parfois nous tombions sur de parfaits désaccords ou de gros écueils bloquants pour poursuivre, parfois nous nous félicitions l’un l’autre de nos derniers rendus. Parfois quand je ne souhaitais pas céder à certaines modifications qu’il me demandait et que je ne trouvais pas judicieuses, nous nous fâchions, il est parfois un peu autoritaire, et si nous devions avoir un défaut en commun, ce serait sûrement d’inconsciemment vouloir trop maîtriser tout ce qui se passe autour de nous, et particulièrement si ça concerne un projet. D’autres appelleraient ça être méticuleux, mais des fois : trop, c’est chiant. Il y eu des pauses, des reprises, des suppressions, des ajouts, des corrections, des appels, un abandon, une autre reprise et puis trois ans plus tard, il y a quelques jours de cela, malgré mille corrections, le texte était complet, finalisé, drôle, émouvant, parfois subversif et parfois absurde, et rond. De là nous passions une excellente soirée, à faire non pas le bilan de nos compétences dans cette affaire, mais bien l’état du chemin parcouru, et que tout était juste, bon et parfait en cet état. J’ai appris il y a quelques années de ça que « ce qui est beau est juste », je ne me rappelle plus qui est l’auteur de cette phrase, sûrement ça s’applique à notre oeuvre, en tout cas je me plais à le croire. Combien de fois dans une vie peut-on ressentir la plénitude de cette dernière affirmation? Et qui plus est devant un projet artistique dûment accompli où la moindre fausse note fut examinée avec la précision d’un microscope, à la ponctuation près?

 

Cette personne a aussi été une des premières à qui j’ai pu faire état de mes soupçons d’autisme sans craindre le jugement. Comme mon amie d’enfance, comme MPS.

 

Et après cette dernière visite, la routine reprenait, il s’agissait de redevenir sérieuse, forte de toutes ces énergies positives, et le rendez-vous suivant était à… *Attention Coïtus Interruptum*

 

 

Pôle Emploi. 

*sa race*… (sic bis)

 

Cinq ans sans y mettre les pieds, avec le souvenir de ces employés en sous effectif, qui vous expédient parfois comme un sous-être humain quand ils ne vous culpabilisent pas directement, s’entretiennent avec vous une demie heure à peine sans vous regarder une seule fois, et vous relâchent avec quelques offres au salaire minable qui sont sans aucun intérêt et à peine liées à vos compétences, et si vous ne répondez pas vous êtes radiés. J’avais fui ça aussi, ne pas avoir de comptes à leur rendre. Travailler sans cesse et ne pas entendre parler d’eux. Voilà comment historiquement, en dix années de Paris, je n’ai fait que travailler et ne suis partie que 2 ou 3 fois en vacances à peine et comment je ne m’y suis pas enrichie non plus, en tout pas pécuniairement, le reste je peux dire que je n’ai fait que m’élever spirituellement uniquement grâce aux personnes telles que celles qui précèdent. Et de fait, post diagnostic, il est évident que je ne dois plus quitter des yeux tous les moyens de procéder à une reconversion. Parce que de plus, il se trouve aussi que je vieillis un peu, que l’énergie n’est pas la même à 25 ans qu’à 37, et qu’avec les bases culturelles et de savoir-faire que j’ai acquises ici, je me débrouillerais aussi bien dans une atmosphère moins pesante, moins rapide, de moins d’animosité constante et autrement plus respiratoire.

 

Le mardi je reçois un appel que mon téléphone, qui est muni d’un filtre pour m’éviter les propositions commerciales, les arnaques et les sondages, me marque comme « Spam et tentative d’escroquerie ». Et bloque. Ça re-sonne et comme je recherche du travail, et qu’il s’agit d’un numéro en « 01 » et que le filtre a ses ratées, (même si c’est bien rare), je décroche, par acquis de je ne sais quoi. C’est Pôle Emploi, le spam. Ha. Et la tentative d’escroquerie suit… Mon rendez-vous prévu deux heures plus tard pour lequel j’avais planifier ma journée, pour ne pas que ça perturbe le reste de mes activités est annulé parce que ma conseillère est « souffrante ». Mais j’ai toutefois rendez-vous le lendemain en fin de matinée avec une remplaçante. J’en déduis qu’une fois de plus, la situation ne s’est pas améliorée pour eux ces dernières années, je leur ai signalé ma RQTH, et ai dû me rendre dans leurs locaux pour obtenir ce rendez-vous, puisque après les envois de mes derniers documents d’actualisation en avril, semble-t-il je ne recevais aucune suite ou confirmation que mon changement de situation était pris en compte. J’avais d’ailleurs à ce moment là notifié mon changement d’adresse, mais malgré tout, 2 mois plus tard l’agence était la même qu’avant, proche de mon ancien domicile alors qu’il y en a une pas loin de chez moi. Laissons le temps au temps, peut-être dans quelques mois de plus je saurai enfin pourquoi mon inscription  n’est prise en compte que depuis le 15 juin et qui sait peut-être l’accès aux doc de références envoyés…

 

Péniblement je m’y rends avec mes derniers documents, ma RQTH, etc. après plusieurs mise à jour, jusqu’à ce que mes pièces jointes ne soient plus rejetées automatiquement par le site.

 

Je suis tombée sur une femme extraordinaire, de 56 ans, et je regrette de ne pas connaître son nom. Elle m’a expliqué que tout bugguait parce que leur site et leurs applis mobiles étaient en refonte totale, que du coup c’était l’apocalypse au niveau du traitement des dossiers, que du coup elle allait passer un coup de fil directement au Technocentre pour répondre à mes questions, si mes dernières attestations avaient bien été reçues et prises en compte : OUI, mon statut d’autoentrepreneur passé en activité secondaire depuis 2015, aussi, clôturé il y a six mois, aussi etc.

 

Ensuite il a été question de remettre mon dossier à jour. J’ai été inscrite à une réunion sur la reconversion avec le handicap pour voir si c’est mieux que j’aille chez CapEmploi ou pas, voir ce qui est possible pour le financement de la dite reconversion auprès d’eux. Et puis on a mis à jour mon dossier, poste recherché etc, sur la nouvelle plate forme. Elle m’évoquait alors le bordel que c’était cette refonte de l’espace Pôle Emploi qui fonctionne désormais par matching de compétences et de postes, comme Tinder…

 

TINDERPLOI

 

À voir si ça fonctionnera à long terme, je n’ai pas encore essayé de postuler, à vrai dire c’est le dernier endroit où je réponds à des offres, je préfère d’autres sites plus récents, plus à jour sur des jobs dans des secteurs précis. Mais bon,  comme elle avait l’air perdue je lui ai expliqué le fonctionnement des algos et ce que ça changeait pour les chercheurs d’emplois, soit de combler un manque pour trouver des jobs vachement mieux ciblés qu’avant, et soit aussi pour eux pour orienter les gens vers tel ou tel poste, et les soulager un max de cette tâche qu’ils arrivent de toute façon plus à gérer, en interne. Je lui ai montré comment ça fonctionnait depuis l’appli et un peu expliqué le principe, échange de bons procédés. Ça avait l’air de la rassurer un peu sur le fonctionnement à terme une fois mis en place, et on a définit mon profil, elle a gonflé au max mon salaire acceptable, qui avait pas bougé depuis 10 ans, pour que je reçoive des propositions décentes par rapport à mes expériences précédentes et mes compétences acquises, on a parlé du cas de la femme seule qu finit par le mois en gagnant rarement plus de 1600 balles net à Paris, et qui se retrouve endettée comme une connasse en trimant comme une trouducule absurdement, dont je fais partie etc. Bref, je suis tombée sur une femme extraordinairement humaine et compréhensive qui me dit à un moment :

 

« J’ai cinquante six ans, ça change pas, aujourd’hui je remplace une collègue, demain ce sera une autre, avec la refonte ça complique les choses, mais clairement on vit pour soi, à un moment, on sait que c’est mal foutu, je fais les choses. »

J’ai répondu :

« On va pas changer le système en une traite de toute façon, dans n’importe quelle restructuration d’organisation, la première erreur à ne pas commettre c’est de négliger l’humain, et c’est aussi le plus dur à gérer »

 

Elle a vérifié qu’elle n’avait pas d’autre rendez vous après « pour me garder encore un peu », on a terminé mon profil, elle a débloqué les allocs. Bon et c’est pas de ça faute, mais un peu ils ont totalement merdés, et je sais pas de quoi je vais vivre ce mois-ci. Qu’est ce tuv’, c’est la joie d’être « Petite Main », dans la vie, et c’est pas de sa faute, c’est pas elle qui gère ça.

 

MERCI. Mon premier rendez-vous à échelle humaine. Si tout le monde se comportait de manière juste à la fois détachée et bienveillante de base, peut-être on aurait tous moins de problèmes au quotidien. Ou juste des échanges apaisants, et rien que ça ça vous rend une vie moins douloureuse.

 

… J’en arrive enfin  à mes conclusions et pourquoi il faut dépasser ses a priori sur l’autisme, y compris quand on l’est, et sur tout ce qui nous est étrange.étranger.inconnu en général, et comment avec un support minime, et juste un peu de respect, de bienveillance, de communication  équitable, certains neurotypiques peuvent révéler tous nos talents uniquement parce qu’ils ne nous jugent pas, ni d’autres personnes neurotypiques, ni d’être des extraterrestres qu’on veut accuser d’être malades à traiter impérativement par des méthodes de contraintes normatives. Je pourrais éventuellement évoquer énormément d’autres amis neurotypiques, de collègues, parce qu’en dépit d’une carrière qui n’a que très peu décollé et qu’avec mains risques pris et tours de force pour pouvoir travailler, j’en ai subit beaucoup de pertes, beaucoup d’humiliations, de harcèlement, d’exploitation, de silenciations, d’intimidations, mais étrangement, combien de mes collègues directs sont restés des amis dans ce parcours, beaucoup, là où l’entreprise représente microcosmiquement, si ça se dit, à quel point la société est loin d’être adaptée à des personnes comme nous.

Cette femme du Pôle Emploi est le meilleur exemple, je ne la connaissais pas et j’ai peu de chance de la revoir, j’étais un rendez-vous d’une corvée de remplacement parmi d’autres « clients » (oui, le Pôle Emploi nous appelle ses « clients » en interne), est-ce qu’elle a manqué de rigueur parce que finalement c’est pas son job de me recevoir, ou de politesse parce que ça la faisait chier d’avoir un rendez-vous en plus. Non parce qu’être mal aimable n’aurait rien changé à son obligation. Non  parce que si ma tête lui avait rappelé celle de son pire ennemi, elle avait pleinement conscience de différencier sa prestation de ses affects et de ces jugements personnels. Est-ce qu’elle aurait eu un intérêt à sous-estimer mon salaire de référence pour se débarrasser de moi, non elle a compté avec mes références et mes compétences avérées qu’on a évalué ensemble, très tranquillement. Est-ce que j’aurais eu intérêt à lui faire état de compétences que j’ai pas en mettant des « excellents » partout dans la liste (si vous allez perdre votre job bientôt ou que vous comptez en changer, n’attendez pas, ça prend trois heures pour remplir tous les champs *tip*), non parce que ç’aurait été un risque supplémentaire de me retrouver à une place qui me convient pas.

 

Quel est l’intérêt de la malhonnêteté intellectuelle? Parce que je crois que quand on veut dévaloriser quelqu’un qu’on trouve être plus compétent que soi, on se sabote soi-même en mettant à jour ses faiblesses plutôt que d’en faire sa force et réciproquement, alors que je ne connais personne qui soit fondamentalement faible en tout, rien que pour ça, le handicap a bien bon dos d’être le plus exclu du monde du travail. Que perdez-vous à l’honnêteté? Oh, oh, je vois l’idée, on a tous une anecdote où on a révélé un point faible et quelqu’un est venu taper dessus pour nous terrasser et on a cédé et on s’est laissé écrabouiller. Il y a une force dans toute faiblesse et la première c’est de la reconnaître et de ne pas se vexer si on vous la pointe d’une manière malveillante. Contre balancez. « C’est vrai que je ne suis pas un pro de ceci ou de cela en revanche je suis infaillible pour… ».  Regarder la tête de votre attaquant après avoir répondu calmement ceci et vous verrez qui sera le plus déstabilisé au final. Et vous êtes infaillible pour pas mal de choses, j’en suis certaine.

 

L’an passé je suis sorti avec un garçon en instance de divorce. L’histoire était terminée depuis longtemps. Il ne m’a appris que trois semaines après le début de cette relation qu’il avait été marié. Comment bien le prendre? Je l’ai bien pris si tant est que je n’étais pas trompée et que cette histoire était bien finie et qu’il n’avait pas de sentiment en reste pour son ex, à ce que je sache. Mais avouez que j’aurais pu mal le prendre. Qui s’est saboté en omettant sciemment de me donner cette précision, moi ou lui? À votre avis? Est-ce que je l’aurais trouvé plus laid en sachant qu’il avait été marié et en fin de procédure de divorce quand je l’ai rencontré? Non, en revanche, je savais désormais que je n’avais pas à faire à quelqu’un dont je pouvais compter sur la sincérité absolue. Le mensonge qu’on  fait, en premier lieu on se le fait à soi. Il est plus simple d’admettre ses faiblesses sans faire une montagne d’un reproche extérieur quand on sait où on en est et plus simple aussi de le contredire sans s’énerver dans le cas où il n’est pas justifié, en gardant tout calme et par la même en instaurant une barrière ferme et respectueuse entre vous et la personne qui tente de vous faire porter ses petits marasmes personnels sur le dos.

Quand je rencontre des femmes comme celle du Pôle Emploi ou que j’ai des échanges aussi riches avec les proches dont je vous ai parlé plus haut ou juste trois mots d’encouragements de vous dans mes pages et publications, je me sens forte et belle et bien dans mon slip comme ça :

 

 

 

 

Alors qu’en vrai je ressemble invariablement plutôt à ça, tout le reste du temps :

 

Qu’est ce qu’il nous coûte quand on doit entrer en contact avec quelqu’un, d’être méprisant, malpoli, parce qu’on est encore plongé dans la dernière parole malveillante qu’on vient d’entendre à notre encontre, au lieu de séparer les événements tel qu’on devrait le faire, de ne pas prendre l’aigreur des autres au personnel, de ne pas reporter nos petits problèmes sur les autres, et surtout de ne pas s’abaisser au même niveau de ceux qu’on abhorre, alors que ces sentiments n’appartiennent généralement qu’à nous ou ne sont que le reflet d’une image altérée qu’on a de soi par rapport à telle ou telle difficulté? Qu’est ce qu’il nous coûte d’être naturellement inclusif et avenant plutôt que directement excluant en particulier quand on a le choix et que ça ne changera rien à notre vie, ou peut-être que si, peut-être que c’est comme ça qu’on aura des rencontres plus riches, de meilleures idées, et une plus grande légèreté à accomplir nos tâches. Est-ce que ça veut dire qu’il faut aller taper la manche auprès les autres pour en obtenir quelque affection? C’est exactement le contraire. Ne rien attendre et rester droit dans ses bottes. Laisser de côté ses complexes, ses a priori, sa jalousie, sa frustration, son aigreur. Si vous avez du mal avec cette idée, visualisez un savon au PH neutre avant de vous adresser à quelqu’un qui vous rebute potentiellement sans que vous sachiez dire pourquoi. Vous aurez peut-être des surprises en vous laissant de côté cinq minutes. Vos problèmes ne sont pas le centre du monde. Vivre de manière autocentrée n’apporte rien de bon si c’est pour appréhender le monde uniquement à travers le prisme de vos échecs. Appréhendez le monde à travers le prisme de vos réussites, l’exercice est simple; et n’attendez pas les résultats, vous ne risquerez pas de déception. Et en cas d’échec rappelez vous, que les échecs sont une bonne chose, parce que  sûrement ils vous débarrassent d’une situation qui n’aurait rien eu de meilleur à plus long terme. Pas de quoi s’apitoyer sur votre sort, alors. Il n’y a pas de justice ou d’injustice à considérer, il y a comment vous réagissez ensuite : rester dessus, ou aller de l’avant et voir ce qui vous attend ensuite en faisant le nécessaire pour juste rétablir ce qui n’ a pas fonctionné la dernière fois ou le laisser derrière et faire mieux la fois suivante.

 

Je lis beaucoup de plaisanteries d’autistes sur les neurotypiques qu’on ne se fait bien évidemment qu’entre nous, ou sinon dans l’intention exprèsse de les agacer. Ça apporte quoi, franchement? Vous connaissez beaucoup de familles à 100% autistes de génération en génération, vous? Qu’on le veuille ou non, notre intégration passe aussi par eux. Est-ce que c’est la seule faute des neurotypiques si on manque d’inclusion? Est-ce que ça sert à quelque chose, foncièrement de ne faire que pointer la faute et de ne mettre en place aucune solution? N’oublions pas que la compréhension du fonctionnement du cerveau est encore en plein chantier. J’imagine qu’en d’autres temps, on a été traités de fous, de simplets et d’idiots du village, de savants fous, de génies, parce qu’on avait pas les mots ni les explications pour des cerveaux divergents. Actuellement beaucoup d’études font état d’un lien entre certaines bactéries des intestins et des psychoses. Imaginez qu’il suffise de ne plus manger certains aliments ou d’un seul médicament non psychoactif pour traiter la schizophrénie? Après tout on a déjà démontré les effets du cannabidiol sur les cas sévères d’épilepsie, je parle de ceux qui a force d’attaques cérébrales violentes et répétées conduisent au décès ou un état légumineux de la personne. Avant de parler d’autisme, on a été confondus avec les schizophrènes. Puis on a parler de schizoïdes, ce qui est encore tout autre chose. Puis on a distingué des cas sévères et des « savants » au simple Trop Haut potentiel pour être adaptés socialement.

 

Aujourd’hui l’hypothèse d’un continuum, déjà évoqué par Hans Asperger il y a un siècle de ça, dont les travaux ont été laissés trop longtemps de côté, se confirme de même que l’idée que la neurodiversité soit quelqu’un chose de totalement naturel et l’autisme pas du tout une rareté. Le sous diagnostic est une réalité, mais qui sait combien d’autistes n’ont pas besoin d’être diagnostiqués et ne le seront jamais juste parce qu’ils ont joui d’une bonne intégration sociale dès leur plus jeune âge et d’une bonne gestion de tout leur parcours ainsi que d’un entourage sain. Comment nous appellera-t-on demain?

 

Qui que vous ayez en face de vous, vous ne savez jamais de quoi c’est fait. On ne vous demande pas de gratter le vernis des apparences pour apprécier une personne. Vous n’avez pas besoin de savoir si un homme a été battu, s’il se sent psychologiquement homme ou femme en dépit de ses apparences, vous n’avez pas besoin de savoir pourquoi une femme porte le voile et pourquoi une autre marche à moitié nue dans la rue quand vous les croisez. Vous n’avez pas à trouver ça indécent non plus, ce ne sont pas vos affaires. Vous n’avez pas à savoir pourquoi l’autre porte une cicatrice sur la joue, ni comme celui ci a des marques de brûlures sur une énorme zone visible de son corps. En revanche vous avez à les traiter avec respect, bienveillance et humanité. Justement parce que vous ne savez pas ce que cachent les blessures visibles ou invisibles et il en va exactement de même de quelqu’un qui ne présente aucun signe particulier remarquable. Qu’est ce qui vous dit qu’une personne qui semble en pleine confiance et possession d’elle-même n’a pas traversé le feu et subit plusieurs viols ou agressions physiques avant d’en arriver là, et sans ça qu’est ce qui vous dit qu’hier elle n’était pas sans domicile malgré ses vêtements luxueux du jour? Ayez du respect. Les gens ne vous doivent pas d’être Eminem avec toute une vie de souffrance étalée devant vous pour mériter votre respect. C’est pareil pour vous, et vous n’avez pas à réagir à l’agressivité des autres sur le même ton quand vous vous sentez attaqué même de manière insidieuse. Laissez les baveux baver, si ça leur permet de se sentir exister, tant qu’ils ne vous brouillent ni la vue ni la route, inutile de vous en faire pour eux. Restez léger, neutres, et laissez les pointer leur viseur sur une autre cible. Vous n’êtes pas leur problème, le problème de tout à chacun c’est soi et ce qu’on en fait.

 

Pourquoi certains ont cette fonction automatique, comme les précités, d’autres non, c’est peut-être  mystérieux, mais il y a de quoi être reconnaissant quand on les croise, et s’ils existent c’est donc que d’autres sont capables d’observer le même comportement. Les neurotypiques nous apprennent aussi, et à nous aussi de leur montrer. Pas qu’on vaut le coup, qu’on mérite je ne sais quoi, on est pas des canards ; juste qu’ils ne sont personne pour nous briser, qu’ils ne nous fracturent pas quoi qu’ils fassent pour tenter de le faire. Pensez à vos personnalités inspirantes, ça peut être la boulangère, ça peut être un ami, une personne de votre famille, même disparue, ces gens vous ont donnés des leçons, recyclez les.

J’aimerais changer notre « Liberté, Égalité, Fraternité » en « Beyoncé, Diversité, Frosororité« , un jour, je suis convaincue que dans un mouvement socio-politiquement régressif, aux dernières nouvelles, ces nouveaux comportements et revendications qui militent pour l’inclusion de tous commencent à faire leur chemin et qu’on entre en même temps avec l’aire numérique dans un mouvement parallèle de bienveillance nécessaire qui se met doucement en place, parce que les gens en ont ras le bol de l’adversité.

 

J’aime quand les femmes racisées et les LGBTQ+ prennent la parole pour rappeler au non concernés de fermer leur gueule, et qu’ils sont écoutés, les disputes sont nombreuses pour faire entendre leurs voix, les agressions verbales, les tentatives de silenciation, un lot quotidien, il suffit de passer une seule journée sur Twitter pour s’en rendre compte, c’est la même chose pour les autistes adultes et verbaux en France qui prennent doucement leur droit à la parole et se font encore injurier, jusqu’à ce que les malveillants commencent un peu à la fermer pour commencer à les écouter. C’est ce qui se passe. Au pire s’en prendre plein les rouleaux dans un premier temps, permet aussi d’affirmer notre présence dans le paysage urbain, c’est un début.

 

On cristallise sur l’appellation « Homme Blanc Cis Het » la classe dominante et privilégiée de toute cette humanité divisée. Les gens ont désormais besoin et de plus en plus d’être appelés de la manière la plus juste qui corresponde à ce par quoi il leur est important de définir une part non négligeable de leur identité… ou trop longtemps négligée. Comme le fait pour moi d’être une femme avec autisme.  Ça ne constitue évidemment pas toute l’essence de ma personnalité même si ça dessine beaucoup de ma construction. C’est encore plus représentatif au niveau de la sexualité : Les pans, non-binaires, Trans, MTF, FTM, racisé.e.s, neurodivergents, atypiques, et tout ce vocabulaire de la novlangue qui explose comme la flore au printemps au travers des internets, qui rebute tant les moins jeunes générations et dont les nouvelles sont naturellement au fait. La multiplication du terme « Oppression » et sa copine « Systémique » comme emblème de cette société trop normative dont les dysfonctionnements arrivent à un point de non retour auquel il va être de plus en plus difficile d’échapper. Ces nouvelles générations qui ne veulent plus faire les concessions que les précédentes ont fait, s’asseoir sur un métier valorisant, un salaire, exprimer qui ils sont librement partout…. Situation transitoire, comme si la déshumanisation du 20ème siècle, ses usines, ses prisons, ses hôpitaux, ses cloisonnements divers touchait à sa fin. Parfois pour plaisanter on échange sur internet… Moi je suis :

« 🅱️azinga basic gangsta bitch uncensored feminist «  sur Twitter , Un.e.telle est « Tomate – salade – Oignon non binaire «  , une autre se décrit « Social Justice Warrior Noire »… Est ce que demain, quand ce vocabulaire sera définitivement entré dans la compréhension de chacun, après les querelles de clochers, est ce que demain, l’Homme Cis Het Blanc ne sera plus qu’une variante pas plus visible qu’une autre et parmi toutes les variantes… moins majoritaire au regard de l’intersectionnalité générale qui prend peu à peu forme,  et ces différentiations légitimes passées parce que plus utiles à préciser dans un monde plus tolérant, c’est à espérer, si la bienveillance veut bien faire le reste…

 

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Ainsi s’achève la 1ère saga de l’été 2018… Je n’ai pas de travail. Juste des promesses, donc de nouveau, si vous passez par là, et que vous avez un job à 35k/mensuel pour moi sur Paris (même au black même à la dépanne, promis je dirai rien à personne système D oblige), vous pouvez me contacter à joyofmenil@gmail.com, mon parcours est là.

Comme je commence à être terriblement en galère de sous pour ce mois ci, si jamais vous souhaitez soutenir mes bonnes œuvres et m’aider à mettre du beurre dans les épinards, vous pouvez me faire un don sur ma page Tipee ici , après tout si les magazines féminins vous proposent des numéros estivaux à 1,20€ assortis d’accessoires de pseudos marques en toc fabriqués par des humains exploités au bout du monde dont tout le monde se bat la tong, je vois pas pourquoi je me priverais d’un petit pourboire, alors soyez libres de me Tipper selon vos moyens, si vous estimez que cette lecture vous a apporté quelque chose, c’est un peu comme un concert ou une pièce de théâtre au chapeau « Prix libre » (et si vous avez pas de sous he ho, personne ne vous en voudra, les autistes on est pas vraiment réputés pour faire des carrières de cadres sup’, so no guilty, la seule nécessité me pousse, je peux juste pas me permettre de ne pas laisser cette note après une semaine rivée sur l’écran entre deux entretiens d’embauches et sans vacances bouhouhou…^^ ) et sinon vous pouvez toujours partager, retweeter cet article sur vos réseaux, je vous jure que c’est aussi super bon pour mon poil (peut-être quelqu’un qui passera par là aura du taf à me filer ou des sous dont il sait pas quoi faire.

Rdv au mois d’août pour la prochaine Saga 🙂 et Merci encore pour tous vos petits mots, mails, likes, commentaires ici et ailleurs, vos retours me portent, je vous souhaite donc un été Beyoncé, c’est ok que je vous soyez en état de chaos total, soyez juste gentils avec vous-même… ❤

 

 

 

 

 

 

Un commentaire sur « Saga été 2018 Juillet – Personnalités Neurotypiques Inspirantes – La Grâce sur le fil du rasoir. »

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