Diagnostic Autisme Asperger à l’âge adulte.

L’errance.

Après la tentative échouée du diagnostic en hôpital de jour, je me suis dit que j’allais « laisser vivre » pour voir où ça me mènerait. Je travaillais en intérim. À l’évidence tous mes comportements jusqu’ici n’avait été que circonstanciés et empruntés pour me conformer à une norme dont je ne saisissais rien. Pour ne pas être l’extraterrestre de service, même si à la fin je n’étais toujours que ça sans comprendre pourquoi. Ce fardeau là avait été trop lourd. Je n’étais pas en dépression et après tout pourquoi sans cesse me conformer à tout prix et vouloir absolument m’infliger des situations que je ne gère pas toujours bien, là où il ne me semblait pas que mes pairs fournissaient autant d’efforts pour se faire accepter partout où ils allaient. Ça a été une petite libération.

J’ai commencé à vivre. Si je me sentais bien, ça allait être encore mieux. J’étais déjà cohérente entre ce que je dis ce que je pense et ce que je fais, authentique et réaliste, sans faille avec moi-même, mais là je prenais le pas d’une liberté en plus. Et faire un test : arrêter de faire des efforts. Par exemple j’aime les vêtements amples et confortables et je déteste avoir les pieds engoncés dans des chaussures rigides qui font mal. Il y a des codes vestimentaires dans les entreprises, j’ai pris le code : baskets. Par exemple, pourquoi m’infliger des soirées avec des gens que j’apprécie moyennement, d’aller dans des endroits qui m’oppressent, pourquoi je resterais dans des soirées quand j’en ai marre et que je voudrais rentrer chez moi  au lieu de dire au revoir et m’en aller,  pourquoi j’irais tout court quand ça ne m’intéresse pas. Pourquoi je me rendrais disponible pour des amis qui n’ont que ce créneau là, quand le créneau ne m’arrange pas même si la seule raison est que ce que j’ai à faire chez moi m’intéresse plus. Pourquoi j’aurais des vêtements différents si je me sens bien dans un seul et que je peux l’avoir en plusieurs exemplaires et porter invariablement la même chose tous les jours si j’y trouve mon compte.  Et pourquoi je ne porterais pas des vêtements bariolés quand j’en ai envie ou du noir des pieds à la tête quand ça me botte aussi. Pourquoi je déjeunerais avec les autres, je me forcerais à avoir des discussions de machine à café, quand ça m’intéresse très peu. Pourquoi je ferais semblant d’être sympa avec des gens… qui m’encombrent. Avenante avec des personnes, qui sur le fond et la forme, me méprisent. Pourquoi je ferais toujours l’effort des mots, de la sociabilité, de la politesse, de sourire faussement, quand ça me gêne sous prétexte que ça se fait. Et si je veux manger tous les jours la même chose, à la vue de tous,  à quel moment ça regarde le voisin. Et pourquoi me justifier sans cesse. d’être ce que je suis, et de toujours lutter contre ma profonde nature. Je n’allais plus me priver de rien. Une expérience, à tenter.

À l’inverse, j’ai aussi fait des efforts à contre-courants. Et pourquoi je ne proposerais pas à D. de manger un soir ensemble, et pourquoi je ne mettrais pas une  ROBE et passer outre les instruments de torture d’entrecuisses et de voûtes plantaires qu’on appelle collants et talons  sans aucune raison particulière etc.

Je suis restée sur les groupes de personnes autistes ou en recherche de diagnostic et plus j’ai discuté avec eux et plus je suis tombée des nues.

J’ai découvert qu’il était possible d’avoir un dialogue fluide et sans ambages avec des personnes pour la première fois de ma vie. Ou la perception de ce qui est dit est entendue pareille. Ou la compréhension verbale, orale ou écrite est immédiate et ne laisse place à aucune arrière pensée nécessitant une traduction supplémentaire. Spontanée, naturelle et sans équivoque. Ou la question de la sincérité du propos ne se pose même pas. Un peu comme si jusque là tout ce qui se disait était en deux dimensions avec un tas de sens cachés imperceptibles qui demandent un décodeur alors que le mien a beaucoup de ratées et brouille les lignes. Là c’était en 3D. Frais. Perceptible. Clair. Limpide. Intelligible. Palpable. J’ai eu l’impression de vivre l’allégorie de la caverne appliquée au langage et d’être celui qui sort enfin de là avec l’intention ferme de ne plus y retourner.

Mais admettons que je ne sois pas aspie. Essayons de me confronter à cette réalité. Essayons de se faire violence dans le sens inverse. De remettre tout ce trajet sur Rewind et de revenir au point de départ. D’accepter son erreur de jugement. D’être simplement une illuminée qui s’emmerde dans son coin et veut se rendre intéressante pour combler un quelconque manque impossible à identifier caché dans les tréfonds de la quête de soi intérieure, et d’avoir cru à tort que c’était la bonne explication. Creusons pour s’en convaincre.

J’ai connu beaucoup d’aspies par les internets. Je suis devenue amie avec certains d’entre eux. J’ai échangé beaucoup et encore aujourd’hui, en cas de difficulté, nous sommes nos meilleurs soutiens. Par mail, messenger, facebook etc. J’en ai rencontré I.R.L, aussi. Des diagnostiqués, de fraîche ou longue date, des en cours. J’ai parlé de mon 1er diagnostic échoué, participé à des témoignages d’aspies dont le parcours différait parfois très peu du mien. J’ai comparé mes difficultés aux leurs, et essayé de m’enfoncer dans le crâne que j’avais dû inventer tout ça, que sûrement les miennes étaient moindre. Rien à faire. Les critères ne faisaient que s’ajouter au fil du temps.

Six mois plus tard j’ai toutefois demandé une copie de mon dossier. Après avoir aussi rediscuté avec une amie doctorante en psychologie et très calée sur le sujet, lui avoir fait état de mes bilans d’hôpital, et une autre jeune femme de vingt trois ans, fille de médecin diagnostiquée à 16 ans, de bonne heure, si j’ose dire. Elles ont quand même trouvé bizarre que je ne sois pas diagnostiquée correctement au vu de mon témoignage et des récits sur ma 1ère tentative de diagnostic.

J’ai lu « le Bizarre incident du chien pendant la nuit » de Mark Haddon. Rudy Simonne, aussi controversé que ça me semble aujourd’hui. « Je suis à l’est » de Josef Schovanec, puis tous les autres… « Je suis né un jour bleu » de Daniel Tammet, Le Syndrome d’Asperger de Tony Attwood. « Comprendre les personnes autistes de haut niveau » de Peter Vermeulen… Et rien à faire, j’y trouvais encore des ressemblances frappantes avec mon dossier de vie.

Je pensais vraiment recevoir un annuaire, quand j’ai demandé mon dossier, vu que j’avais suivi un médecin avec annuaire sous le bras portant mon nom dans les couloirs de l’hôpital. J’ai reçu 4 pages où il n’est pas fait mention de beaucoup de tests passés. D’aucune observation de TOUS les entretiens et ils furent nombreux. Et où il est précisé en toutes lettres que je n’ai aucun problème pour prendre les transports en commun ou de phobie des germes alors que j’avais bien précisé qu’il en était tout autrement, ou sinon pourquoi je couperais ma respiration quand quelqu’un tousse dans les transports, m’évertue à ne pas trop toucher rien directement avec mes doigts dans des toilettes publiques ou le métro, sans manquer de me laver les mains ensuite, comment j’ai évité sciemment les stations Châtelet et Nation et les RER au maximum en 7 ans de vie parisienne à moins de ne pas avoir trop le choix…

La colère est montée petit à petit…

Les schémas se sont reproduits. Faire le job de trois. Trouver ça normal. Prendre toujours plus de tâches. Ne pas ciller. Travailler 50h par semaine cinq semaines d’affilée avec la rapidité du Flash, à la mercie de plus de dix personnes en même temps. À la discrétion de tous. Passer au travers des grippes saisonnières et se retrouver à la mort et fébrile avec le système immunitaire HS d’avoir trop forcé et une pneumopathie non pneumocoque incapable de lever un pouce pendant cinq jours et en détresse respiratoire pendant six semaines. S’arrêter seulement trois semaines. Repartir comme en quarante. L’Usain Bolt du clavier et du traitement de tâches urgentes. Être accusée à tort d’être l’auteur de rumeurs sur un boss qui s’affiche avec une secrétaire fraîchement débarquée, alors que t’es en congés et que t’as juste pas vu ce que tout le monde a à la bouche. Avoir la hiérarchie à DOS. Se faire agresser verbalement par le même qui profite de ta solitude pour bosser dans un open space vide pendant la pause déjeuner pour te faire dire que tout vient de toi alors que tu te planques depuis des semaines pour échapper à tout ce parasitage. Être soupçonnée d’avoir couché avec un collègue de 25 ans, pendant que d’autres se font prendre dans les bureaux par le tout venant de l’entreprise dès que l’occasion se présente. S’en cachent à peine. Portent systématiquement la même mini jupe les jours de baise et se font bien voir. Fermer sa gueule devant ce triste spectacle. Passer pour une toxicomane pour avoir fraternisé avec 3 collègues et passé deux soirées avec eux… En deux ans. Le RETOUR de la toxicomanie qui explique tout… Et oui, comment tenir ce rythme sans rien prendre, louche hm? Se faire accuser de vouloir intenter un prud’hommes… Avec un contrat clean? Se faire toujours ajouter toujours plus de tâches à effectuer en toujours moins temps à cause d’une épidémie de réunionite aiguë. L’histoire se répète. S’adapter. Garder son calme. Imploser… Refaire des efforts inconsidérés, sans égard. Quand j’étais en CE2, j’étais abonnée à Pif gadget ainsi qu’un camarade. Toujours première de la classe en ce temps là. On comparait le cadeau à chaque réception et bien sûr on l’emmenait à l’école, planqué dans nos pupitres jusqu’à l’heure de la récré pour montrer aux autres. 1ère de classe au second contrôle, le gamin s’était empressé de faire courir le bruit que c’était parce que j’avais du utiliser la calculatrice en papier du dernier Pif pour les maths. La maîtresse n’était pas dupe et je suis restée première. Mais j’étais la tricheuse de l’année…. Cette histoire résume à peu près tout ce que j’ai vécu chaque fois que je suis sortie du lot parce que je faisais bien mon travail sans en tirer de gloriole.

Revenons à l’entreprise. Pour le coup de grâce.

Quant tu es déjà une paria mais que tant que le malheur n’est pas comblé tant qu’on peut toujours en dire que c’est le comble, pour citer le Roi Lear. Il y a eu des fusions dans l’entreprise. Deux. Accompagnées de très lourdes pertes financières. De fait, des départs et des arrivées pour combler les brèches. Parfois il y a des personnes dangereuses contre lesquelles on ne peut rien. J’en ai fait les frais sous des capes d’amitié et de bienveillance. J’ai donné ma confiance. J’ai été diagnostiquée et en tant que telle et par souci de transparence j’en ai averti ma direction. Ça ne changeait rien, en terme d’aménagement de poste, une donnée factuelle. Je croisais juste les doigts que peut-être ce qu’on veut me tenir de bizarreries prendrait sens, et que j’aurais un moment de répit dans le regard des autres. En particulier en ayant donné l’alarme en mai qu’il allait falloir trouver des solutions par rapport à ma surcharge de travail en constante augmentation.  Ou refondre le poste et j’avais mon idée, mais j’étais silenciée par une personne toxique affairée à restructurer tout le service à son idée personnelle avec les mains libres pour s’y atteler et qui s’était accaparé tout le service en se rapprochant tour à tour des uns et des autres, en sous-marin, glanant un à un les petits secrets, divisant pour mieux régner tout en se positionnant comme un utilitaire de résolutions des problèmes de tout à chacun, gratuitement et par altruisme. Si c’est gratuit c’est que vous êtes le produit. Jusqu’à ce que chacun se mobilise à ses attentes à l’idée de révélations qu’elle pourrait divulguer en les réinterprétant dans le sens de ses objectifs. Forcément, je ne suis pas persécutée pour rien et j’ai ma part de responsabilité dans tout ça, je l’admets volontiers, mais je ne joue de tours à personne, et quand quelqu’un rend un service à une autre personne, je ne m’approprie pas ce service rendu. J’ai juste le défaut de ne pas supporter le mensonge et la calomnie alors quand je les constate, même si je ne dis rien personne n’est dupe et le malaise s’installe. Quant aux personnes inoffensives, qui viennent pour travailler et se moquent des histoires… Quand je l’ai parfois annoncé dans le fil d’une conversation et bien… Rien…. Aucune Question. Jamais. Au pire les clichés sont revenus et l’on m’a demandé si je pouvais dénombrer des allumettes quand elles tombaient à terre. De retour de congés, la situation économique est devenue alarmante. La charge a bondi une nouvelle fois, le client a été pressé de nous assommer de commandes pour sauver les meubles. Des fournisseurs mis sur la paille à force de ne pas les payer. Les manipulations ont continué. Mes plus chers collègues ont pris la tangente, un à un, fini la dream team. Le chiffre d’affaires ne reviendrait pas, le travail de niche suppose un savoir faire de niche, qui ne s’apprend pas en un jour et ceux qui sont restés y ont vu l’opportunité de promotions. Je suis tombée six semaines après avoir prévenu le nouveau CEO que je n’allais pas tenir ce rythme bien longtemps. Une hémiplégie partielle droite de plus de 6 heures, réveillée avec des vertiges; une fois au travail, impossible de tenir en station debout. Il a fallu appeler les pompiers. Le système nerveux avait gelé. Deux semaines d’arrêt, dont une de lenteurs motrices, la photophobie dès que j’étais face à un écran, le souffle court, pas rétablie de retour quinze jours plus tard, mais j’ai pris sur moi jusqu’à redevenir opérationnelle.

Pile au bon moment pour me pousser vers la sortie. Violemment.

Harcelée, méprisée, ridiculisée, outée. Le classisme et le validisme. Des personnes qui vous faisaient autrefois la bise pour vous dire bonjour et qui se tienne subitement à trois mètres et vous font coucou de loin comme si vous aviez la peste. Et tout ce qu’il est possible de faire pour vous pousser tantôt à l’erreur tantôt à la crise de nerfs depuis la hiérarchie directe, à la vue de tous, sans la moindre dissimulation. Où l’on vous rit au nez comme si vous étiez une retardée mentale parce que vous osez demander de quelle commande on parle quand deux portent le même nom sans numéro sans autre précision dans le mail et on vous rabâche tout de même que tout est dedans. Des dossiers sur lesquels vous travaillez déplacés dans le réseau ou simplement disparus, sans avertissement préalable. Du sabotage. Des demandes de facturations urgentes à produire, sans fourniture des documents justificatifs dont elles sont la condition sine qua non, pour que le boomerang revienne encore plus fort quand le client vérifiera les pièces. On te de demande d’être la Irma de ce que les autres ont en tête sans donner d’explications, puis on t’explose de rire à la figure avec un ton de supériorité empruntée, le plus fort possible pour que même si ceux qui ne font que passer par là et ne savent pas de quoi il s’agit, croient à ces failles et qu’on puisse faire la preuve par cent de ta stupidité, de ton incompétence. Les Humiliations quotidiennes de cet ordre… Et ce serait les autistes qui manquent d’empathie…

Quand on veut tuer son chien on l’accuse d’avoir la rage.

J’ai gardé mon calme, pourtant. Je me doute que ça allait énerver encore plus mais je n’aime pas me rabaisser à ces niveaux, j’ai ma fierté et quelques principes à toute épreuve qu’ils me desservent ou non. Contrainte et acculée à ne même plus pouvoir disposer des outils de base nécessaire à produire un travail de qualité, j’ai du annoncer ma volonté de partir en même temps que les ingénieurs pour lesquels j’étais exécutante au cas où ça rassure les deux personnes qui me poussaient à ce départ. Je leur ai même proprement demandé de se réfréner un peu compte tenu que ça n’était qu’une question de jours, désormais. Qu’il n’était plus utile d’être aussi inhumain ou de tirer sur l’ambulance. Il y a eu une intérimaire en renfort de mon poste, de statut ingénieur où je n’étais qu’une simple employée, au deuxième salaire le plus bas de l’entreprise après une collègue et amie de dix ans de moins que moi. Personne n’a eu la décence de l’accueillir proprement et elle a subi exactement le même traitement. L’exclusion, l’isolation et le mépris. De la même manière qu’un nouveau chargé d’affaires senior, dont l’embauche était justifiée pour assurer le service après vente d’un projet largement bâcle, et être l’homme de paille du client pour rattraper les erreurs d’un projet rendu avec beaucoup de malfaçons. Comment imaginer que toute la liberté, la bonne humeur, la bonne volonté, jadis garantes d’une bonne santé financière et d’une super ambiance puissent renaître de leurs cendres dans une telle adversité générale quand la leçon à prendre est sous vos yeux. Surréalisme et non-sens. J’ai cherché un autre emploi et négocié une rupture conventionnelle avec la clémence de mon ancien Directeur Général qui a été mon ange gardien tout au long de cette période difficile où il ne suffit pas d’avoir les reins et les nerfs solides, parce que dans cet état, n’importe quelle personne valide aurait craqué bien avant et que les deux derniers arrivés était déjà pressés de repartir aussitôt, victimes eux aussi de ces indignités redondantes. Pourquoi un tel acharnement dans la contre-productivité? Je ne suis pas si naïve que ça,  et ne néglige pas qu’il est fort possible qu’il y ait eu d’autres enjeux dans de bien plus hautes sphères de la gestion à l’international de grands groupes qui fusionnent pour obtenir le monopole d’un marché. Mais je ne vois pas comment le monde s’élève avec ce genre de licences et je n’aurais pas pu accepter de continuer sciemment à faire du mauvais travail à la demande. Sans rancune, ni regret… Mais en route pour de nouvelles précarités.

J’ai gardé mon calme et terminé le job, et créé les procédures nécessaires à ce que n’importe qui puisse reprendre la main sur le poste, c’est tout ce qui m’importait, en partie parce qu’une ou deux personnes nuisibles ne valent pas le soutien de dix autres avec qui vous avez un dialogue de respect et même de protection réciproque. Mais j’aurais pu plus largement être détruite si je n’avais pas été diagnostiquée quelques semaines auparavant, après mille questionnements, mille remises en question, et mille tentatives de faire « mieux » que les fois précédentes, et des efforts somme toute une nouvelle fois vains, dans l’incompréhension générale.

J’ai un gros défaut. Je ne sais pas me vendre, ni me mettre en valeur. Je ne sais pas gonfler l’égo de qui il faut pour en obtenir les faveurs, ni négocier un salaire équivalent à ma force de travail. Là où les personnes qui travaillent savent jouer de ruses pour parvenir à leurs fins, je ne suis que ce travailleur stupide qui ne vient que pour faire son travail correctement et attend patiemment sans taper du poing sur la table son tour de reconnaissance et ne répond jamais aux hostilités, laissant la place large aux autres de se faire tailler le costard de ce qui les arrange à leur profit. Malheureusement même si j’avais la possibilité de participer à un atelier de compétences sociales, je ne serais pas plus capable d’être fausse demain, et j’en fais les frais régulièrement, alors qu’il me suffirait d’un peu de confiance, d’un environnement calme, et d’autonomie, pour faire des merveilles. Voilà mon plus gros talon d’Achille. Les gens s’imaginent que je les juge, là où je ne fais que les observer et où je n’ai pas l’option des arrières pensées comme s’il s’agissait d’une défaillance, et par défense ils frappent dans le dos par anticipation de ce que je pourrais dire, ou faire alors que l’histoire prouve mille fois que je n’attaque jamais, comme si j’avais la moindre préoccupation de me conformer à ce jeu là. Sachez que si nous sommes forts à la tâche, ces défauts nous fragilisent et que si vous ne vous mettez pas enfin à nous protéger un peu, ou juste à nous laisser travailler dans un environnement serein, à l’abri des histoires et des interactions forcées, c’est vous qui vous privez de nos compétences, et cela regarde vos échecs. Vos échecs d’intolérance, de non-inclusion, à voir notre handicap comme un problème et vous priver de nos dons. Car nous sommes les derniers à nous en vanter, et pourtant c’est bien de cela qu’il s’agit. De dons. De savoir repérer les failles d’un système avant qu’il soit mis en place dans un souci constant d’amélioration par le prisme duquel nous tendons sans cesse. La balle est dans votre camp, charge à vous de la saisir au bond.

Nous sommes entrés dans une ère digitale qui peu à peu tend à devenir de plus en plus incontournable et sur laquelle les entreprises ne pourront bientôt plus faire l’impasse, qu’il s’agisse de communication, de marketing, de stockage de données et de tout ce qui va suivre et entrer infailliblement dans notre quotidien. Nous sommes aujourd’hui les profils types les plus à mêmes d’exceller dans ces domaines. Ce qui est d’avenir est déjà présent. Et les aspergers qui ont un grand sens du détail, et dont le cerveau fonctionne un peu comme une gigantesque banque de données, qui ont aussi parfois une bonne mémoire et une capacité de concentration exacerbée lorsqu’un sujet les passionne sont excellents dans ces domaines. Vous pouvez attendre de ne pas avoir le choix pour commencer à vous fier à ces talents. Ou vous tourner vers l’avenir dès maintenant, parce que dans dix ans, personne ne pourra se payer le luxe d’avoir ce train de retard.

« En France, on considère l’autisme comme une étrange maladie à soigner et à éradiquer. Dire « autiste » renvoie à un handicap qui va fermer toutes les portes et mener à l’exclusion. L’autisme est un miroir grossissant d’une société trop normative qui va mettre en situation de handicap des tas de profils à l’intelligence atypique […] Certains gouvernements, américains, russes, chinois, israéliens et nombres de compagnies spécialisées (dont certaines fondées par des autistes) ont opté pour le recrutement atypique, non par charité mais par besoin réel de compétences pointues. » Hugo Horiot. Itw issue de l’Orient littéraire n° 142 du 05.04. 2018.

2 commentaires sur « Le parcours d’une conne Battante 3/4. »

  1. Bonjour Joy. Vous lire me fait beaucoup de bien. Cela me confirme que je ne suis pas folle, que j’ai raison de ne pas lâcher ni me renier. Je suis toujours en attente d’un diagnostic au CRA, ayant passé la premiere sélection. Je sors d’un burn out monumental en majeure partie piur des raisons relationnelles. Je vou remercie d’avoir pris le temps de coucher tout ça sur la toile. Cela donne de l’eau à mon moulin cérébral.

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    1. C’est l’idée, dans tous les cas à l’issue on se connais toujours mieux et ça permet aussi de mieux appréhender ses propres limites sur ce qu’on peut endurer ou non et ce qu’on peut accepter ou non… je vous souhaite surtout le meilleur pour la suite !

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