Diagnostic Autisme Asperger à l’âge adulte. Pourquoi?

Introduction.

Hormis ce sentiment d’étrangeté perpétuel, des décalages, des problèmes de communication, d’acceptation par les autres, de suradaptation sans cesse nécessaire et hyper éprouvante à la survie d’un quotidien difficile et globalement plutôt solitaire, il a bien fallu mettre le doigt sur une finalité invariable et dogmatique, après un nombre de thérapies infructueuses pour trouver le mot qui convienne, la pièce du puzzle qui manquait. Et comme tout le reste, ce fut long, et ça ne s’est pas fait en un jour.

Étrange, bizarre, originale, marginale, « à part », spéciale, énigmatique, mystérieuse, anormale, folle, droguée (allez hop, tant qu’à faire, elle en aurait rendu service à combien de personnes celle là, faut il préciser que pour se droguer il faut quelques moyens, encore une fois?), barrée, tarée, cheloue, fantaisiste, extraterrestre, différente, drôlesse, drôle d’oiseau, personnage… Tout ce que j’ai appris en observant les autres, c’est que les gens ont plus facilement tendance à tirer vers le bas quand ils ne comprennent pas quelque chose, ou sont même carrément ignorants d’un sujet ;  comme un automatisme. Au lieu de tenter de voir plus loin que le bout de leur nez, se renseigner, et faire d’une différence une plue-value, par flemme, par maintien de leur zone de confort, ils préfèrent un raccourci qui leur convient.

Ce qu’on ne connait pas fait peur, et ce qui fait peur rend mesquin ou maladroit. D’où viennent les phobies est un bien autre sujet…. En revanche les catastrophes et les violences qu’elles engendrent ne sont plus à démontrer.

J’ai lu un article sur les autistes asperger. Un bout de journal. Ça m’a paru tellement frappant que je l’ai découpé, et perdu depuis, et que j’ai googlé ensuite. En résonance, à la 1ère lecture, ça criait en dedans : « Mais c’est moi ! C’est moi! C’est moi!? Bordel!? »… À la seconde lecture ça a plutôt donné… « Bah je croyais que c’était normal ça… Et ça aussi… et ça aussi…Ah bah, comme tout le monde quoi… non? »… Définitivement non. Pas comme tout le monde que je croyais. Aurais évolué dans la Twilight Zone à mon insu tout ce temps? En googlant ça n’allait pas mieux… Peu après ces premières prises de renseignements, une série de reproches sur ma manière de communiquer de la part d’une personne référente, et qui me connaissait depuis bien longtemps m’est tombé dessus, j’avais alors 32 ans et j’étais persuadée de savoir qui j’étais, sans problème particulier, après tout j’avais gagné mon pari, j’étais installée à Paris, je travaillais.

« — Mais c’est tout le temps comme ça : « Je sais, je sais, je sais, » Tu sais tout et tu sais rien, tu ne laisses pas aux autres la place de s’exprimer ! On ne sait pas à quoi tu fais référence, tu ramènes tout à toi, à la fin, c’est insupportable! Ecoute toi ! Ecoute Moi…

Concrètement et quoi que j’ai fait beaucoup de progrès depuis, j’ai toujours employé « je sais » au sens de « je comprends » sans la moindre prétention affectée ou dissimulée et fait suivre d’un exemple d’un événement similaire à ce que la personne me raconte, dans l’optique qu’elle me valide le fait que j’ai bien compris, ou alors qu’elle étaie et que je percute, quitte à lui reposer des questions pour mieux situer. Pour moi ça a toujours été une manière de faire comprendre à l’autre que même s’il n’y paraît guère, j’écoute, j’entends, je digère, j’analyse et je comprends. Même si je n’ai pas de solution immédiate s’il s’agit d’un problème. Les solutions m’intéressent bien plus que les problèmes. Mais parfois j’ai un temps de décalage, et l’on croit souvent que je m’en fous, que j’écoute à peine ou que je n’ai pas entendu, ce qui est rarement le cas… Et qui se poursuit toujours par une période de silence, qui peut durer quelques jours, le temps que mon cerveau mastique plus ou moins inconsciemment, traduise, résume et y voit une possible finalité. Et là il m’arrive de contacter la personne sans prévenir et de lui dire « Tiens, j’ai repensé à ton truc là… et…= Problème —> réflexion –> suggestion de solution ». C’est que globalement je ne sais pas trop m’apitoyer sur les autres et que leurs problèmes m’intéressent moins que leurs solutions. Dégénérescence de la chose : je deviens facilement un utilitaire de résolutions des problèmes du tout à chacun, à un point que je n’arrive rapidement plus à gérer, qui devient envahissant et me pousse à me renfermer comme une huître le temps de dissocier tout ça de moi-même, de me rappeler que j’ai les miens aussi, et de pouvoir poursuivre mes activités. Désormais j’ai pris pas mal de distance, et forcément je suis une copine moins sympa qu’avant, étant donné que je n’épuise plus mon énergie à me mettre en 4 pour les autres parce que ça me semblait jusqu’ici naturel et normal, or avec le temps j’ai surtout constaté que si ça me semblait normal la réciproque n’était pas nécessairement vraie. Et si on prend en compte tout ce qui m’a toujours paru naturel et normal au niveau de mes réactions, mode de pensée et comportements, on tombe vite d’un astre, quand on découvre que ça ne se passe pas exactement comme ça pour la plupart de ses pairs humains. Revenons  à mon référent.

… Et puis des fois tu ne comprends rien à rien ! Tu ne vois pas quand tu gènes, tu te mets à parler, comme l’autre jour, et nous on attendait que tu nous laisses, on était même gênés pour toi, on se regardait. Et d’autres tu me prends juste pour un con, je te pose une question et tu me réponds évasivement : « Va, parce que c’est comme ça, sous-entendu, DUCON, et c’est parce que ça DUCON »… avec un ton de condescendance que je me sens merdique »

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*Oopsy*

Je pourrais encore décortiquer tout ça, mais l’essentiel y est. Je ne sais effectivement pas toujours me positionner dans une conversation à plusieurs. Il m’est arrivé de faire des raisonnements dans ma tête et de les résumer en 3 mots, persuadée que la personne en face aurait forcément eu le même et immédiatement compris ce que je voulais dire.

Est-qu’il fallait aller au CRAIF? J’ai hésité quelques mois. Comme je me perds quand je suis déstabilisée et que j’ai des petits soucis de repérage dans l’espace, où mon cerveau fait un nœud et décide qu’on y arrivera pas, la 1ère fois je me suis retrouvée devant un café « Le bar des Zinzins » ou le « Café des Fous alliés »… quelque chose cet ordre… Je suis repartie vexée. J’y suis retournée, et j’ai parlé à une dame, qui m’a donné 3 adresses, un psychologue, une généraliste et un psychiatre.

J’ai choisi le psychiatre. Meilleur moyen de savoir si j’étais bonne pour l’asile, si j’essayais de couvrir des maux ou des traumatismes mal digérés en enfilant le costume mal ajusté d’un autre, et me débarrasser de cette hantise sur laquelle le plus je me renseignais et le plus je m’entendais crier au scandale, à l’intérieur. Outragée de ne pas avoir mis le doigt là dessus plus tôt. Et sans inquiétude : « T’inquiètes, ma fille, si c’est autre chose, c’est bien le psy qui va savoir quoi, ils sont jamais en reste pour te trouver un truc, après tout c’est leur job ».

Avant ça j’avais vu une psychothérapeute, quand j’étais étudiante, après ma pseudo-TS. Six séances. Les premières je lui racontais un peu ma vie et mes difficultés. Et un jour j’ai débaroulé avec un pense-bête, des pires souffrances que j’avais pu vivre, au point par point, histoire de me débarrasser de ce fardeau no matter what et qu’il reste bien à la porte de mes 19 ans pour ne pas revenir me polluer ensuite façon Jack in the Box. Les mots avaient eu du mal à sortir, au début, et puis les larmes ont coulé toutes seules juste après, en revanche. Sur ces points difficiles elle avait fait le job. Remis la toxicité des autres à qui elle appartenait. Distancié mes sentiments de culpabilité sur des accidents de parcours pour lesquelles j’étais plutôt la victime que celle qui cherche les ennuis. Et en conclusion on s’est retrouvé un jour comme ça :

« — Je n’ai plus envie de venir »

« — Je sais », m’a-t-elle répondu

« — Je sais que vous savez… Qu’est ce qu’on fait dans ces cas là? »

Et j’ai conservé son numéro, bien sûr, mais je n’ai plus eu besoin de revenir. L’année précédente j’avais aussi accepté de prendre du Prozac à dose minimale pendant sept jours, prescrits par ma généraliste. Un peu pour faire plaisir et répondre à son insistance, qui avait peur qu’après une adolescence un peu catastrophique et tumultueuse, des petits démons du passé viennent resurgissent d’un coup sous forme de schémas d’échecs à reproduire pour me pourrir la vie et que je tombe en dépression ou que je me retrouve avec des troubles alimentaires à vingt cinq ans. Il a fallu que j’arrête très vite, donc le septième jour. Ce serait plutôt le Prozac qui a tenté de me plonger en dépression. Et après avoir lu dans le détail les effets secondaires inverses que ce pour quoi il est prescrit dans le dictionnaire des médicaments, il valait mieux qu’on cesse de cohabiter  tout de suite, lui et mon système nerveux. A 24 ans j’ai rencontré un praticien formidable, en banlieue  de Lyon, au départ pour un mal de dos qu’il a su débloquer en 3 séances et qui pratiquait une méthode alternative appelée E.F.T pour Emotionnal et Freedom Technique. J’y suis allée sans conviction,  mais au fil des séances tout a commencé à aller mieux dans ma vie. Et donc quand j’avais l’impression d’en avoir fait le tour, je n’y allais plus, et quand quelque chose n’allait plus de nouveau ou que je mettais le doigt sur un schéma, une reproduction ou simplement s’il m’arrivait des soucis ou des incidents que je me voyais mal surmonter, j’y retournais, parfois deux ans plus tard parfois trois, et plus. Pour décrire le processus, imaginez que vous êtes recouvert de plusieurs couvertures, posées sur vous, les unes sur les autres. Chacune représente une expérience que vous avez mal vécu ou mal digérez et qui a encore une emprise sur votre quotidien ou vos réactions. Une épreuve, un accident, un traumatisme, un vécu, un problème qui ne vous lâche pas et imaginez maintenant qu’à chaque séance, on vous enlève une de ces couvertures. On se sent plus léger, n’est-ce-pas? Maintenant oubliez les couvertures, et imaginez les arbres d’une forêt, et que dans leur multitude, invisible dans leur ensemble, se terrent deux ou trois baobabs largement enracinés et qui sans que vous le sachiez ont complètement bloqué votre parcours de vie et votre vision. Ça aussi, cette thérapie là, m’a permis de mettre à plat environ tout ce qui avait pu me perturber ou m’affecter de près ou de loin. Et vivre en paix avec moi-même, ce qui en le disant maintenant me paraît totalement luxueux quand je lis sur des groupes de soutien ou de partage les problèmes et les ancrages que vivent d’autres personnes que je serais bien mal placée pour juger. Je ne dis pas non plus que cette solution serait adéquate pour tous, mais quand on veut aller bien, il faut se donner les moyens quitte à aller à l’encontre de ses propres croyances. Je tiens simplement à préciser que j’ai fait un très long travail sur moi-même toutes ces années, par divers biais pour ne pas dépérir de la moindre pensée polluante, qu’elle vienne de moi, ou de mon passé ou de l’extérieur, avec ce que le monde contient de violences diverses. À partir de là, quand il reste un point bloquant, que ce point reste la communication et l’interaction avec les autres. Qu’il est si prégnant et omniprésent qu’il s’imprègne quotidiennement à tous les domaines de la vie pour y jeter de l’ombre avec le même dénominateur commun, des interactions interpersonnelles, au monde du travail et qu’il touche aussi, de fait, à la compréhension des autres et réciproquement… C’est à dire à la compréhension du monde et que rien n’y fait… Et  que personne ne veut être un handicapé du monde dans lequel il vit… Autant que j’ai toujours largement éprouvé cette sensation avant d’être capable de la formuler comme aujourd’hui… Mieux vaut vérifier s’il s’appelle Asperger que de rester bête. Il était impossible à 32 ans, que je n’évince pas l’autisme d’une tentative de savoir qui je suis. Précision faite qu’un diagnostic ne résume pas une personne et ne doit jamais le faire. Mais peut lever le voile sur bien des difficultés et aider la personne qui l’obtient à progresser sur elle-même et AVEC les autres, (enfin quand ils se décideront enfin à ne pas nous stigmatiser sans cesse ou à remettre en cause nos diagnostics sans avoir fait médecine).

Je suis diagnostiquée aujourd’hui, et je compte bien raconter comment j’ai obtenu ce diagnostic, mais si je devais donner un conseil aux personnes en recherche d’elles-mêmes et qui tomberait sur cet écueil de se demander si elles sont ou non aspies, gardez en tête que l’autisme n’est pas un attribut d’apparat ou un accessoire de mode. Qu’il n’est pas cool, pas swag, pas enviable et pas un dîner de gala au quotidien. Vous lirez des personnes qui vous conteront à quel point elles le vivent bien, et c’est tout ce que je leur souhaite et à moi par la même occasion. Et d’autres qui vivent un véritable sacerdoce. Actuellement en France, il y a une grande lacune pour diagnostiquer l’autisme et en particulier le Syndrome d’Asperger à l’âge adulte. Et des CRA et des psy débordés. Posez-vous les bonnes questions. Demandez-vous si vous cherchez un problème ou une solution ou si c’est un besoin d’attention qui vous pousse. Avez-vous solutionné les plus gros  de vos problèmes? Sont ils dans le passé, dans le présent, récent ou depuis toujours, ont-ils un ou plusieurs dénominateur commun? Renseignez-vous. Faites le tour du sujet. Ne vous basez pas sur ou deux critères, les co-morbidités sont extrêmement nombreuses avec d’autres pathologies, de la phobie sociale au haut potentiel et les troubles du développement et du comportement aussi nombreux. N’empruntez pas la clef d’un voisin pour lui ressembler. Trouvez votre cheminement personnel. Et surtout, soyez le plus honnête possible avec vous-mêmes, soyez prêts à encaisser un diagnostic erroné, soyez près à y revenir aussi si vous pensez que vous n’avez pas été élucidé dans les profondeurs, soyez aussi vigilants avec les faux-prophètes et attentifs à vos apprentissages, en bref, ne vous trompez pas de miroir. Certains déforment plus que d’autres et ne causent que plus de dégâts, et d’autres renvoient à des alouettes qui ne vous feront que perdre votre temps et possiblement votre argent aussi. Soyez-vous mêmes en étant vrai, c’est la seule chose qui compte.

 

 

Un commentaire sur « Le parcours d’une conne Battante 1/4. »

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